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la chasse aux toiles. Poursuivis par les chiens, sangliers, cerfs et biches s’élancent dans l’étang de Commelles. Sur une flottille, la cour les y attend. Les princes et les seigneurs les attaquent avec des épées, des épieux et des dards. Au moyen de nœuds coulants, les dames capturent les cerfs qui ont échappé au carnage. Avirons relevés, elles se laissent traîner par eux. Ils nagent éperdument vers le rivage où elles leur rendent la liberté. Voici le prince de Conti qui se penche pour tuer un jeune cerf. Il perd l’équilibre, tombe et disparaît sous l’eau. Et il ne sait pas nager ! Un instant il revient à la surface. De la barque dorée, des mains s’étendent pour le saisir, le manquent. Il disparaît de nouveau. Non, il remonte. Sa tête ruisselante émerge. On n’a que le temps de la prendre aux cheveux. Heureusement, c’était la nature, et non Binette, le perruquier à la mode, qui les lui fournissait. Il dut peut-être à ce détail de ne pas périr dans une fête donnée par son beau-père à l’occasion de son mariage. Comme l’a dit un sage, la vie serait encore supportable, s’il n’y avait pas les plaisirs.

Cependant la guerre était sur le point d’éclater. Louis XIV, pour prévenir l’Empereur ligué contre lui à Augsbourg en 1686 avec plusieurs princes allemands, la Suède et l’Espagne, et pour régler par les armes tous les points en litige, et notamment l’affaire de l’électorat de Cologne, allait pousser ses troupes sur le territoire de l’Empire.

Le 25 septembre 1688, Conti se rendait à l’armée d’Allemagne, et Marie-Thérèse de Bourbon demeurait inconsolable de se voir enlever son mari trois mois à peine après ses noces. « Elle avait « pour lui » tout l’amour que peut inspirer un homme aussi aimable et aussi estimable, dit Mme de La Fayette, dans le cœur d’une jeune personne vive et qui n’a pu encore rien aimer. »


LA FORCE.