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parents, le prince de Conti se trouvant être le cousin germain du père de sa fiancée.

Louis XIV était en lutte avec le Saint-Siège, et l’entrée à Rome de son ambassadeur, le marquis de Lavardin, avait ressemblé à une invasion. Aussi, pour remettre à Innocent XI les lettres par lesquelles le Roi, M. le Prince et le prince de Conti demandaient les dispenses, ce fut un gentilhomme de la maison de Condé qui fut choisi, M. de Saint-Laurent. Le gentilhomme se rendit donc par delà les monts ; et bientôt la Gazette annonça son arrivée au Palais apostolique, avec un secrétaire d’ambassade qui devait servir d’interprète, dans un carrosse du marquis de Lavardin entouré de pages et d’estafiers. « Le Pape, racontait la Gazette, le reçut fort bien, et, après lui avoir accordé la dispense gratis, le régala d’un chapelet avec une médaille d’or et plusieurs autres présents de dévotion. »

Le porteur de la dispense quitta Rome le 19 avril, mais c’est seulement à la fin de mai qu’il atteignit le terme de son long et dispendieux voyage. Il avait été arrêté par la neige, et ses frais de route et de séjour se montaient à deux mille deux cent trente-huit livres quinze sols, dont trente-cinq pistoles pour les pourboires distribués dans la Ville éternelle aux gardes, estafiers, cochers et autres personnages intéressés.


Les fiançailles furent célébrées le 28 juin. A quatre heures de l’après-midi, le prince de Conti et Mlle de Bourbon quittèrent l’appartement de Madame la Dauphine et traversèrent la grande galerie pour se rendre dans le cabinet du Roi, où devait avoir lieu la cérémonie. Toute la cour formait la haie dans la grande galerie.

Lorsque Mlle de Bourbon parut, sa longue mante soutenue par sa sœur. Mlle de Condé, la bonne grâce, les agréments de sa personne, la « joie modeste, » qui brillait dans ses yeux, excitèrent un murmure admirateur. N’en doutons pas, les regards innombrables des dames saisirent les moindres détails de la toilette, surent apprécier l’habit de taffetas noir et la jupe blanche brodés d’or, garnis de soie couleur de feu, la mante de brocart d’or, et, sur le corsage, les diamants et les rubis.

Au côté de la jeune fille, le prince de Conti venait, non moins splendidement paré. Son habit était de brocart à fond brun illustré de fleurs d’argent et recouvert d’un point d’Espagne