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Jeudi, 26 août 1915.

Les Allemands se sont emparés de Brest-Litovsk ; l’armée russe bat en retraite vers Minsk.



Dimanche, 29 août 1915.

Pour la première fois, Raspoutine est pris à partie par la presse. Jusqu’à ce jour, la censure et la police l’avaient protégé contre toute critique des journaux. C’est la Gazette de la Bourse qui mène la campagne.

Tout le passé du personnage, ses origines ignobles, ses vols, sa crapule, ses débauches, ses intrigues, le scandale de ses relations avec la haute société, les hauts fonctionnaires et le haut clergé, sont étalés en plein jour. Mais, très habilement, aucune allusion n’est faite à son intimité avec l’Empereur et l’Impératrice. « Comment, écrit l’auteur de ces articles, comment est-ce possible ? Comment un aventurier aussi abject a-t-il pu se moquer aussi longtemps de la Russie ? N’est-ce pas stupéfiant de penser que l’Église officielle, le Saint-Synode, l’aristocratie, les ministres, le Sénat, de nombreux membres du Conseil de l’Empire et de la Douma, ont pu pactiser avec cette canaille ?... N’est-ce pas la plus terrible accusation qu’on puisse formuler contre le régime ?... Hier encore, le scandale politique et social qu’évoque le nom de Raspoutine semblait tout naturel. Aujourd’hui la Russie veut que cela cesse... »

Quoique les faits et les anecdotes, rapportés par la Gazette de la Bourse, soient de notoriété générale, la publication n’en produit pas moins un grand effet. On admire le nouveau Ministre de l’Intérieur, prince Stcherbatow, d’avoir laissé imprimer cette diatribe ; mais on est unanime à prédire qu’il ne gardera pas longtemps son portefeuille.



Lundi, 30 août 1915.

Conférence avec le général Biélaïew, chef d’État-major général de l’armée. Voici le résumé de ses réponses à mes questions :

1° Les pertes de l’armée russe sont énormes. De 350 000 hommes par mois en mai, juin et juillet, elles se sont élevées à