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Dans la Pologne méridionale, entre le Bug et la Vistule, leur front est jalonné par Grubieszow, Krasnostaw et Josephow, à 30 kilomètres au Sud de Lublin. Autour de Varsovie, elles ont abandonné le cours de la Pzura et de la Rawka pour rétrograder sur un arc de cercle passant par Nowo-Georgiewsk, Golovine, Blonie, Grodisk, où de forts retranchements sont préparés. Dans la région de la Narew, elles se tiennent approximativement sur le cours de la rivière, entre Nowo-Georgiewsk et Ostrolenka. A l’ouest du Niémen, elles défendent, vers Mariampol, les approches de Kowno. Enfin, dans le secteur de Courlande, après avoir évacué Windau et Tuckum, elles s’appuient sur Mitau et Schawli.

Après quelques réflexions peu réconfortantes sur cette situation, le général Biélaïew poursuit :

— Vous connaissez notre pénurie de munitions. Nous ne produisons pas plus de 24 000 obus par jour. C’est une misère pour un front aussi étendu !... Mais notre manque de fusils m’inquiète bien plus encore. Imaginez-vous que, dans plusieurs régiments d’infanterie qui ont pris part aux dernières batailles, un tiers au moins des hommes n’avaient pas de fusils. Ces malheureux attendaient patiemment, sous la rafale des shrapnells, que leurs camarades fussent tombés devant eux pour aller ramasser leurs armes. Qu’il n’y ait pas eu de panique dans ces conditions, c’est un miracle. Il est vrai que nos moujiks ont une telle force d’endurance et de résignation ! Cela n’en est pas moins affreux... Un de nos commandants d’armée m’écrivait l’autre jour : Au début de la guerre, lorsque nous avions des projectiles et des fusils, nous avons été vainqueurs. Lorsque les munitions et les armes ont commencé à manquer, nous nous sommes encore brillamment battus. Aujourd’hui, avec son artillerie et son infanterie muettes, notre armée se noie dans son sang... Combien de temps nos soldats supporteront-ils une pareille épreuve ? Car enfin, ces carnages sont trop effroyables !... A tout prix, il nous faut des fusils. La France ne pourrait-elle nous en céder ? Je vous en supplie, monsieur l’ambassadeur, plaidez notre cause à Paris !

— Je la plaiderai chaleureusement ; je télégraphierai aujourd’hui même.