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responsables devant le Parlement, ce qui ne serait rien moins que la fin de l’autocratisme.

Parmi les ouvriers, il y a de l’effervescence. Un de mes informateurs, B..., me signale une recrudescence de la propagande socialiste dans les casernes, surtout dans celles de la Garde. Le régiment Pavlowsky et le régiment de Volhynie seraient assez contaminés.



Lundi, 12 juillet 1915.

D’après ce qu’on me rapporte, les Moscovites sont indignés au plus haut point contre la société de Pétrograd et le monde de la Cour, qu’ils accusent d’avoir rompu toute communion avec le sentiment national, de souhaiter la défaite, de préparer la trahison.

Le duel, qui, depuis bientôt deux siècles, se poursuit entre la métropole du slavisme orthodoxe et la capitale artificielle de Pierre le Grand, n’a peut-être jamais été plus vif, même aux temps héroïques de la lutte entre le Zapadnitchestvo et le Slavianophilstvo, entre l’Occidentalisme et la Slavophilisme.

A cette époque, c’est-à-dire vers 1860, l’ardent idéaliste, Constantin Aksakow, lançait à la mémoire de Pierre le Grand ces strophes enflammées : Tu as méconnu la Russie et tout son passé. Aussi, un sceau de malédiction est imprimé sur ton œuvre insensée. Impitoyablement, tu as répudié Moscou. Et tu es allé construire, en dehors de ton peuple, une ville solitaire ; car il ne vous était plus possible de vivre ensemble !

Vers la même date, son frère, Ivan Aksakow, écrivait à Dostoïewsky : « La première condition pour ranimer en nous le sentiment national, c’est de détester Saint-Pétersbourg de toutes nos forces, de toute notre âme, et de lui cracher dessus. »



Dimanche, 18 juillet 1915.

Depuis trois jours, le péril des armées russes s’est sensiblement aggravé : elles n’ont plus seulement à lutter contre l’irrésistible poussée des Austro-Allemands entre le Bug et la Vistule ; il leur faut encore soutenir une double offensive que l’ennemi vient d’engager au Nord, sur le front de la Narew et en Courlande.