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voix par là : vous voyez qu’on a beau faire des révolutions, ces Messieurs reviennent toujours sur l’eau[1]. »

Enfin, en janvier, F. Buloz reçoit le manuscrit du nouveau roman de George Sand ; elle veut appeler ce livre : Le roman d’un prêtre ; mais ce titre, F. Buloz ne l’approuve pas… « Je crois que l’autre était préférable : Mlle La Quintinie ne dit rien, n’éveille rien, et dans des choses très parlantes, un titre qui n’est pas trop significatif est ce qu’il y a de mieux. Celui-ci paraît dangereux, il éveillera tout de suite les ombrages et la susceptibilité du pouvoir et du parti clérical, qui sera trop heureux de mettre ses gens en campagne, et vous pensez bien qu’on nous sacrifiera sans hésiter à la haine des Papistes, on sera trop heureux de leur donner un os à ronger… » Le directeur de la Revue a encore deux observations à faire sur cette première partie :

« Ce ne sont pas les Capucins qui exploitent Haute-Combe[2], ce sont les Bénédictins de Cîteaux. Gardez-vous de laisser cela : le clergé et les hobereaux de Savoie s’en serviraient contre nous. Il n’est pas exact non plus de dire qu’il n’y a pas à Haute-Combe des tombeaux réels, il y en a quatre ou cinq… le roi Charles-Félix y a été enterré en 1831… L’autre passage qui me paraît demander des modifications est celui-ci : … pourvu qu’elle préfère mon lit au confessionnal. »

George se soumet à tous ces changements, et en premier, à celui du titre de son roman. Elle écrit à F. Buloz le 17 février 1863 :

« Mon cher Buloz, intitulez Mlle La Quintinie (pas de la Quintinie) et marchons. La première partie est pour ainsi dire sans inconvénient. Si la deuxième est dangereuse, à cause de la lettre du père d’Émile, on peut voir à reporter vers la fin une partie de ce qu’il dit là… on pourrait ainsi avancer beaucoup dans le roman, en laissant croire que l’on recommence Sibylle, et ce serait drôle ; allez donc de l’avant, puisque vous avez bon courage… Pour moi, je ne me dissimule pas les injures et les insultes qui tomberont sur moi. J’y suis fort habituée, Dieu merci, et le plus ou moins ne m’ôte pas l’appétit. J’ai

  1. 12 novembre 1862. Collection S. de Lovenjoul, f. 59, inédite.
  2. Abbaye de Hautecombe, sur le lac du Bourget. Cette abbaye contient les sépultures des rois de Sardaigne, elle est demeurée la propriété de la couronne d’Italie après l’annexion.