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sur l’attribution à d’autres États de territoires où vivaient, disait-elle, des populations magyares. M. Millerand avait répondu, le 6 mai 1920, au nom des Puissances alliées, qu’il leur était impossible de modifier leur point de vue. La volonté des habitants, disait-il, s’est exprimée dans les journées d’octobre et de novembre 1918, lorsque la double monarchie s’est écroulée et que les peuples longtemps opprimés se sont spontanément unis à leurs frères italiens, roumains, yougo-slaves ou tchéco-slovaques. Les événements qui se sont produits depuis lors constituent autant de témoignages nouveaux des sentiments des nationalités groupées naguère sous la couronne de saint Etienne. Sans doute, il n’est pas possible de faire exactement coïncider les frontières ethniques et les frontières politiques. Dans le Banat, en Ruthénie, en Transylvanie, en maintes régions, les populations sont mélangées et il est inévitable qu’un petit nombre d’îlots magyars passent sous la souveraineté d’autres États. Le Traité de Trianon, comme celui de Saint-Germain, a dû s’accommoder de cette fatalité, mais il a pris des mesures de précaution pour la sauvegarde des minorités. Telle était, en substance, la réponse de M. Millerand. La Hongrie a semblé s’incliner devant ces explications des Alliés, mais elle n’a pas renoncé, et ses voisins, qui sont nos amis, ne se fient pas à son apparente résignation.

Qu’un Habsbourg vienne à ceindre, non pas même le diadème impérial, mais simplement la couronne de saint Etienne, il rappellera, malgré lui, le passé. Il ne pourra pas être le Roi paisible d’une Hongrie diminuée ; il représentera le vieil Empire d’Autriche, dont sa maison a été si longtemps la personnification ; il attirera, même involontairement, à lui, tous les éléments du régime disparu ; et pour tous ceux qui redoutent le retour de ce régime, il deviendra, par conséquent, un épouvantail. C’est ce qui s’est immédiatement produit. A peine, le roi Charles est-il arrivé à Szombathely, à peine est-il entré en rapports avec l’amiral Horthy, que l’Italie a trop naturellement conçu des craintes pour l’avenir de Trieste et de l’Istrie, que la Roumanie s’est inquiétée pour la Transylvanie, que les Tchèques et les Serbes se sont émus à leur tour ; et la petite Entente a aussitôt, avec l’appui de l’Italie, envoyé son ultimatum à Budapest. Supposez que nous nous soyons désintéressés de cette manifestation, nous eussions mécontenté tous nos alliés, nous aurions perdu leur confiance, et nous aurions laissé la Hongrie, en travaillant contre eux, travailler contre nous.

Certes, le morcellement de l’Autriche-Hongrie a donné naissance