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jusqu’au faîte. Conquérir celle que j’aime, la disputer à une mortelle influence, la sauver, l’emmener avec moi dans la sphère de l’amour vrai… » Et encore : « Maudite, trois fois maudite soit l’intervention du prêtre dans les familles ! Le prêtre qui, jeune ou vieux, honnête ou dépravé, nous enlève la confiance et le respect de nos femmes… »

Pendant que George écrit La Quintinie, le directeur de la Revue l’encourage, et George, en octobre 1862, promet son roman pour le 1er janvier de l’année suivante : « Il est déjà fort avancé, mais quelles dangereuses étrennes je vais vous donner là ! Songez-y bien. Avec un gouvernement de bon plaisir et de caprice imprévu, vous risquerez un avertissement, même quand nous ferions beaucoup d’atténuations à mon premier jet. » Que Buloz réfléchisse bien quand il aura le manuscrit dans les mains, et s’il est convaincu alors de l’interdiction, eh bien ! on ira faire éditer, le roman à Bruxelles. « De grosses vérités, dures et blessantes pour la majorité des dévotes, sont venues se répandre sur mon papier. Ne pas aller au fond du mal m’est impossible, je le sens bien, je ne saurais pas effleurer le sujet, et l’effleurer ne servirait à rien. » Elle revient à Sibylle. « Mon livre en sera la contre-partie avec le même sujet. Le P. Feuillet sera ministre des Cultes, et nous serons tancés, honnis, maudits, attendez-vous à cela[1]. » Et quelques jours plus tard : .« On dira que je démolis la confession. Oui, je la démolis tant que je peux, et avec elle la dangereuse ambition d’influence du clergé, l’hypocrisie du siècle. Je ne touche pas à l’Evangile, mais je nie que les canons de l’Église soient articles de foi, cela se peut-il aujourd’hui[2] ? » Et George raconte son sujet à F. Buloz. Qu’en dit-il ? Se scandalise-t-il ? Mais non : « Je ne vois rien dans l’idée de votre roman qui puisse tomber sous le coup de la loi, si l’on peut parler de loi dans le régime de la presse actuel. L’arbitraire seul, par les avertissements, peut vous frapper Mais c’est ce que vous saurez éviter dans la forme.

« Il n’y a que votre ancienne amie, l’Impératrice, qui peut, avec les tendances nouvelles qui prédominent de plus en plus, vous trouver un écrivain bien osé dans le roman. Mais là encore il faut vous donner le plaisir de tout dire dans le fond, sans donner de prise à nos seigneurs les cardinaux, qui ont grande

  1. 20 octobre 1862. Inédite.
  2. 2 novembre 1862. Inédite.