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juriste, le probe et consciencieux avocat qu’est M. Hughes ne pouvait tenir, en cette circonstance solennelle, que le langage du droit et de la vérité. Mais il a réussi à formuler, en deux mots, la doctrine de la raison américaine. M. Simons s’adressait à M. Hughes comme à un arbitre. L’arbitre a prononcé. Il condamne les bourreaux et se range aux côtés des victimes.

Tout, sans doute, n’est pas encore réglé dans les rapports futurs de l’Europe et des États-Unis. Soit dans la question des mandais, soit dans l’application des innombrables clauses du Traité qui se réfèrent à la Société des Nations, soit dans l’interprétation et dans la mise en jeu de la motion Knox, soit enfin dans l’adaptation générale de la paix américaine à la paix de Versailles, nous rencontrerons assurément encore de sérieuses difficultés. Mais, sur deux points essentiels, responsabilités, réparations, la réponse de M. Hughes est péremptoire et découragera, nous l’espérons, les intrigues allemandes.

Ne nous dissimulons pas cependant que nous sommes, d’ici au 1er mai, dans une période exceptionnellement critique. Nous allons, comme l’a dit M. Briand, assister « aux dernières convulsions de la ruse. » Par tous les détours imaginables, l’Allemagne va essayer d’échapper à la fatalité de l’échéance que le traité lui a fixée. M. Briand a magistralement exposé qu’à cette date du 1er mai, l’Allemagne serait en carence juridiquement constatée sur plusieurs chefs de ses obligations, désarmement, châtiment des coupables, réparations. Si elle tente de se soustraire encore à ses engagements, a déclaré d’un ton grave le Président du Conseil, c’est une main ferme qui s’abattra sur son collet. Le geste dont le Président du Conseil a accompagné cet avertissement a donné encore, s’il est possible, plus de force à l’expression imagée de sa pensée et le Sénat tout entier a souligné de ses applaudissements répétés une promesse qui, pour lui, comme pour la France, a été un soulagement.

Le chef du Gouvernement est allé plus loin. Il s’est rattaché fermement aux positions que lui offrait le Traité de Versailles et qu’on avait eu le tort d’abandonner l’an dernier. Il a affirmé que c’était pour ne pas rompre avec ce Traité qu’il attendait patiemment le terme du 1er mai. Mais lorsque l’arrivée de cette date aurait constitué l’Allemagne débitrice de douze milliards et lorsque la Commission des Réparations aurait procédé à la constatation officielle de la défaillance du Reich, chaque nation intéressée serait maîtresse de prendre ses garanties « respectives. » « Nos Alliés le savent, a dit M. Briand en pesant soigneusement ses paroles, et ils ne peuvent contester