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tombe, par hasard, des oreilles, nous nous contentons d’imiter les héros d’Homère, et nous répondons aux défis par des discours. Ajax, fils de Télamon, s’approche d’Hector, et lui dit d’une voix menaçante : « Hector, tu vas savoir maintenant, en me combattant seul à seul, quels chefs les Grecs ont à leur tête... » Mais la grandeur épique de ces duels oratoires ne supplée, tout de même, pas à une demande d’excuses.

Les récriminations de M. Simons n’étaient, d’ailleurs, qu’un préambule. Elles préparaient une manœuvre qui s’est étalée, tout au large, dans la seconde partie du mémoire. Déjà plus gênée qu’elle ne veut le laisser croire par les mesures, si incomplètes qu’elles soient, qui ont été décidées à Londres, l’Allemagne cherche à reprendre la conversation par des voies indirectes. Elle spécule sur l’entremise possible de l’Amérique. Lorsqu’elle se tourne du côté des États-Unis, elle s’empresse donc de coller sur son visage le masque de la douceur et de la modération. Oui, elle est toute prête à payer, mais, pour qu’elle paie, il est indispensable qu’elle rétablisse son crédit à l’étranger, et, pour qu’elle le puisse rétablir, il n’est pas moins nécessaire qu’elle recouvre la plénitude de son indépendance financière. Conclusion : que les Alliés renoncent au privilège général que le Traité de Versailles leur confère sur les biens de la nation débitrice ; un emprunt international deviendra facile, et l’Allemagne réparera. Les Alliés répugnent-ils à cette combinaison ? L’Allemagne n’a aucun parti pris ; elle acceptera tout autre système qui paraîtrait de nature à résoudre les problèmes posés. Qu’on ne la menace plus, qu’on cause avec elle, qu’on l’écoute ; et tout s’arrangera.

Alternativement aigre et mielleux, ce mémorandum n’a pas produit à Washington l’effet que l’Allemagne en attendait. M. Hughes ne s’est pas attardé à discuter les reproches et les suggestions du ministre allemand. Il a simplement pris acte, un peu ironiquement peut-être, « de l’expression non équivoque du désir qu’a le Gouvernement du Reich d’accorder réparation dans les limites des facultés de paiement de l’Allemagne. » Mais, aussitôt après cette déclaration courtoise, il a jeté une douche réfrigérante sur les illusions de Berlin : « Notre gouvernement estaux côtés des gouvernements alliés pour tenir l’Allemagne responsable de la guerre et moralement obligée, par conséquent, à réparer dans toute la mesure du possible. (This Government stands with the Governments of the Allies in holding Germany responsible for the War and therefore morally bound to make reparation as far as may be possible). » Le grand honnête homme, l’illustre