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dans le malheur des dix départements ravagés, un prétexte à des agitations politiques, M. Simons ne juge pas à propos de préciser autrement, et pour cause. Les sénateurs et les députés de ces dix départements ont constitué en commun, pour l’étude des graves questions qui intéressent le sort des populations, un groupe où se rencontrent, dans une même pensée, les conservateurs, les modérés, les radicaux, les socialistes. Ce groupe, que préside M. Hayez, sénateur du Nord, se réunit toutes les semaines au Luxembourg. Il se tient en contact permanent avec le Président du Conseil, avec le ministre des Finances, avec le ministre des Régions libérées. Chacun des membres qui le composent laisse ses préférences politiques à la porte de la salle des délibérations, et toutes les résolutions prises ont pour objet d’aboutir à des réalités et d’écarter les agitations. Il se trouve, d’ailleurs, que ces sénateurs et députés, qui sont les défenseurs naturels des populations martyres, sont entièrement d’accord avec l’unanimité des Chambres sur la nécessité d’obtenir de l’Allemagne la réparation rapide et totale du mal qu’elle a fait. Il n’y a donc, et il ne peut y avoir, en tout cela, aucune préoccupation d’ordre politique, aucun calcul intéressé, aucune tentative de surenchère d’un parti vis-à-vis d’un autre. Le pays n’a, dans cette question, qu’un sentiment et une volonté.

Mais est-il possible d’admettre que le Gouvernement du Reich accuse ainsi la France de dissimulation et de duplicité dans un acte qu’elle savait destiné à être publié et qu’elle a, du reste, elle-même divulgué ? Comme l’a très justement remarqué M. Auguste Gauvain, l’Allemagne a pris, depuis sa défaite, des habitudes et des libertés, que nous avons eu le tort de tolérer et qu’elle ne se serait pas permises autrefois dans les plus beaux jours de la gloire impériale. Avant la guerre, des injures de cette sorte auraient donné lieu à des observations diplomatiques ; et, si c’eût été la France qui, entre 1871 et 1914, eût parlé de l’Allemagne avec cette insolence, l’ambassadeur d’Allemagne serait accouru au quai d’Orsay et aurait exigé une rétractation. Mais nous, nous nous bouchons les oreilles et, quand on nous insulte, nous n’entendons pas. Nous avons laissé M. Fehrenbach et M. Simons, chefs responsables du gouvernement du Reich, soutenir, non seulement que l’Allemagne n’était pas coupable, mais que les Alliés l’étaient ; nous les avons laissés prendre à partie les anciens Gouvernements français ; ils accusent aujourd’hui de mauvaise foi le Gouvernement actuel ; c’est un crescendo qui ne s’arrêtera plus, si nous n’y mettons rapidement bon ordre. Trop souvent, lorsque le coton nous