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faire attention. Les petites perfidies vont commencer. Et d’abord celle-ci : « dix départements français sur quatre-vingt-six. » Ainsi, pour M. Simons, la France n’a que quatre-vingt-six départements : ni la Moselle, ni le Haut-Rhin, ni le Bas-Rhin, ne sont français. Puisque le Traité de Versailles ne compte plus, puisqu’il a été arraché par la force à une nation innocente, pourquoi ne considérerait-on pas encore comme allemandes les provinces restituées ? Mais nous ne sommes qu’au début, et peu à peu le mémoire du Reich tourne au réquisitoire. L’Allemagne a, dit-elle, offert de la main-d’œuvre ; elle a offert une collaboration technique et industrielle. Où ? Quand ? Comment ? Sous quelle forme ? A quelles conditions ? M. Loucheur a expliqué en détail devant la Chambre et devant le Sénat, que ces prétendues offres n’avaient, en réalité, jamais eu lieu. Tantôt ce n’étaient qu’idées vagues, à peine indiquées, jetées dans les coulisses des conférences ; tantôt c’étaient des propositions insidieuses, des exigences intolérables, des demandes exorbitantes qui tendaient à mettre dans une situation privilégiée les industriels et les ouvriers allemands. N’importe, l’Allemagne jure son grand Dieu, toujours celui de Guillaume, qu’elle a fait des offres et elle espère que l’Amérique la croira sur parole. Si les maisons ne sont pas rebâties, si la terre n’est pas rendue à la culture, c’est par la faute de la France. Quelles sont les raisons de la France ? se demande M. Simons ; et il s’empresse de répondre lui-même à cette question par des accusations odieuses. « Si étrange que la chose puisse paraître, les Français ne portent vraiment qu’un intérêt très restreint à la reconstitution des régions dévastées. Des indemnités, sous forme d’avances, ont été versées aux anciens occupants, qui se sont fixés dans d’autres régions du pays Des cercles importants de France voient, dans les régions dévastées un moyen exceptionnellement efficace d’agitation politique. » Autant de mots, autant d’audacieuses contre-vérités. M. Simons est singulièrement renseigné, s’il s’imagine que les malheureux émigrés, qui, faute de logements, n’ont pu rentrer encore dans les communes ruinées et qui vivent en exil depuis plusieurs années, n’ont pas hâte de revenir dans leur pays. Il n’est pas un représentant des régions libérées qui ne reçoive par milliers des lettres éplorées de ces pauvres gens et qui ne cherche quotidiennement à faciliter leur retour. Le nombre des réfugiés diminue, d’ailleurs, chaque jour, — M. Briand a fourni, à cet égard, des chiffres éloquents, — et il est donc faux de dire qu’on ait, par un régime d’avances, encouragé les sinistrés à se fixer en d’autres lieux. Quant aux cercles importants de France qui voient,