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expérimentateurs dignes de ce nom. Il faut une singulière intelligence, une acuité visuelle et raisonneuse hors pair, pour voir les trésors qu’une combinaison accidentelle met parfois à portée de nos mains maladroites, et ne pas passer aveuglément à côté. Aimez ce que jamais on ne vit ici-bas : c’est cette pensée qui tend le cerveau et les sens du savant digne de ce nom vers tout ce qui échapperait au vulgaire. C’est elle qui guida si heureusement Rœntgen. Et par là sa découverte n’est pas si fortuite et si dénuée de mérite qu’on l’a souvent dit et écrit.

Au bout de quelques minutes. Rœntgen était fixé sur la nature tout à fait insolite et nouvelle (il y avait pourtant plus de vingt ans que des physiciens manipulaient des rayons cathodiques !) du phénomène constaté. La luminosité du papier au platinocyanure ne pouvait provenir de rayons analogues aux rayons cathodiques, car ceux-ci ne traversent pas le verre et sont déviés par l’aimant. Or un aimant ne déplaçait pas la tache lumineuse sur le papier. Celle-ci ne pouvait pas provenir non plus de radiations analogues à la lumière ou aux rayons ultra-violets, car celles-ci sont réfléchies, réfractées par les surfaces des objets et polarisées par d’autres, et Rœntgen eut tôt fait de constater que les rayons nouveaux ne possédaient pas ces propriétés.

Très rapidement les diverses propriétés principales qui caractérisent les rayons X furent mises en évidence : leur pouvoir d’impressionner la plaque photographique (comme font les rayons cathodiques) ; leur pouvoir (que possèdent aussi les rayons cathodiques) de décharger les corps chargés d’électricité en rendant l’air ambiant conducteur de l’électricité, par ionisation (j’ai déjà expliqué ce mot) ; leur puissance de pénétration qui n’était comparable avec rien de connu et qui fait qu’ils traversent, sans absorption sensible, le papier, le bois et les étoffes, et qu’ils passent à travers tous les métaux en étant à peine absorbés, et d’autant plus d’ailleurs que le métal est plus dense.

Depuis lors on a découvert une autre radiation qui a les mêmes propriétés que les rayons X : ce sont les rayons gamma qu’émettent les substances radioactives et dont le pouvoir de pénétration à travers les corps matériels est généralement encore plus grand que celui des rayons X. Les rayons X étant appelés, suivant l’habituelle terminologie radîologique, « durs » ou « mous, » suivant leur pouvoir pénétrant, on peut donc dire que les rayons gamma des substances radioactives sont plus « durs » en général que les rayons X.

On ne tarda pas à remarquer que la production des rayons de Rœntgen dépendait du degré de vide du tube à décharge. Le degré de