Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/923

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne pas redire en détail. Rappelons seulement qu’on constate que ces rayons sont déviés lorsque la tache fluorescente qu’ils produisent dévie elle-même. On a observé ainsi qu’ils sont déviés par l’électricité et par les aimants ; M. Jean Perrin a achevé la démonstration en montrant qu’il sont chargés d’électricité négative. Crookes avait d’ailleurs déjà montré qu’il s’agit d’un véritable bombardement corpusculaire de « matière, radiante, » au moyen des merveilleux radiomètres qu’il installait dans ses tubes à vide sur le trajet même des rayons, et dont les ailettes délicates tournaient sous le choc de ceux-ci, comme celles d’un moulin infiniment sensible sous une brise légère. Lénard, enfin, a définitivement mis au point la question en réussissant à faire sortir de leur cage de verre et à étudier en liberté, c’est-à-dire à l’air libre, les rayons cathodiques. Il y est arrivé grâce à l’artifice qui consistait à sceller dans le tube à vide une plaquette, une fenêtre très mince d’aluminium que les rayons cathodiques, pareils à des obus rencontrant un blindage trop faible, traversent facilement. Ajoutons que Lénard utilisait comme « récepteur » du faisceau cathodique une substance étalée sur un « bout de carton » et que leur choc rend magnifiquement fluorescente : la pentadécylparatolylcétone. Qu’on ne s’étonne point de ce nom un peu inusité. Il est en vérité parfaitement clair à ceux qui ont un peu fait de chimie et son seul énoncé suffit à leur faire voir l’agencement et la liaison dans l’espace des atomes dont l’agrégation forme cette molécule. C’est en effet une chose merveilleuse que la nomenclature officiellement et internationalement adoptée aujourd’hui pour indiquer les substances, aux mille ramifications, de la chimie organique ; c’est même, peut-on dire, le langage mathématique excepté, la seule langue internationale véritablement adaptée à ses fins, puisque, par le seul agencement des syllabes, elle montre la forme de l’objet désigné, même si cette forme était jusque-là inconnue de l’auditeur.

C’est en étudiant un tube à rayons cathodiques que Rœntgen, le 8 novembre 1895, découvrit, rappelons-le, les rayons X. Le physicien de Wurtzbourg était en train de faire fonctionner un tube de Crookes qu’il avait entouré d’une cuirasse de carton noir. Un morceau de papier recouvert de platinocyanure de baryum, une de ces substances dont les rayons cathodiques produisent la luminescence dans l’obscurité, se trouvait sur la table. En faisant passer le courant électrique dans le tube, Rœntgen remarqua que le papier au platinocyanure s’éclairait. Le hasard l’avait servi ; il sut à son tour collaborer avec le hasard. « Aide-toi, le hasard t’aidera : » telle pourrait être la devise des