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Litvinoff. La Lithuanie s’est, depuis longtemps, compromise en liant partie avec l’armée rouge lors de l’offensive sur Varsovie, et le différend qui la sépare de la Pologne dans la question de Vilna risque de l’entraîner à de nouvelles faiblesses. La Lettonie, après avoir manifesté la ferme volonté de défendre son indépendance, semble maintenant douter de sa force de résistance. La conquête des provinces Baltiques est donc pour les Soviets une opération tentante. Elle permettrait, par l’occupation des ports qui doivent donner accès aux exportations britanniques, d’exploiter les accords commerciaux, récemment conclus avec l’Angleterre, et, en même temps, de reprendre le contact direct avec l’Allemagne.

A la Roumanie, le Gouvernement des Soviets peut toujours, au nom du principe de l’intégrité territoriale, réclamer la Bessarabie. Il n’a jusqu’à présent laissé passer aucune occasion de protester contre la perte de cette province et, le 3 novembre dernier. Soviets de Grande Russie et Soviets Ukrainiens, ont déclaré irrecevable le protocole la rattachant à la Roumanie. Tchitcherine, il est vrai, pour amener la Roumanie à entamer des négociations à Reval, a promis de n’y pas soulever la question de Bessarabie ; mais cette concession apparente n’accuse-t-elle pas en réalité le souci de la laisser entière pour la reprendre au moment voulu ? La récupération de la Bessarabie, en effet, outre l’intérêt qu’elle présente, tant dans l’ordre économique qu’au point de vue national, ouvrirait la voie vers les peuples frères de Ruthénie, et, par leur intermédiaire, vers les éléments communistes hongrois et autrichiens.

Enfin la Pologne reste aux yeux de Moscou le boulevard de la bourgeoisie dressée contre le bolchévisme, le principal obstacle qui retarde l’avènement de la Révolution communiste internationale en s’opposant à l’établissement d’un contact large et direct avec l’Allemagne et à la constitution d’un bloc germano-russe capable d’imposer à l’Europe ses lois économiques et politiques. La lutte de la Russie soviétique contre la Pologne ne semble donc que remise. Zinovief et Lénine en ont eux-mêmes averti l’Europe : le traité de Riga, simple trêve, est sans valeur, comme toute convention passée avec un Etat bourgeois, et il ne saurait lier le prolétariat russe. Dès que l’occasion sera favorable, l’armée rouge reprendra sans doute l’attaque en direction de Varsovie. Le moment venu, les arguments ne manqueront