Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/910

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi l’armée polonaise, ramenée en désordre de Polotsk sur la Vistule, après avoir subi l’effet démoralisant d’une retraite de plus de 500 kilomètres, s’était ressaisie en quelques jours, et avait infligé à l’ennemi une défaite totale.

L’histoire offre peu d’exemples d’une situation aussi rapidement et aussi complètement renversée. Sans doute, le commandement bolchéviste, trop prompt à mépriser son adversaire, avait, par l’imprudence de ses dispositions, compromis son succès au moment même où il le croyait assuré ; sans doute aussi ses troupes, mal organisées, menées par contrainte à la bataille, lui avaient échappé dès les premiers revers. La victoire de Varsovie n’en est pas moins pour l’armée polonaise un titre de gloire impérissable, et, pour la nation polonaise, un précieux gage de confiance dans l’avenir. Elle est le résultat d’une manœuvre parfaitement conçue, exécutée avec décision et souplesse ; elle a pu atteindre son magnifique développement grâce à la remarquable capacité de marche, à l’endurance du soldat polonais, et aux qualités manœuvrières de ses chefs.

En ajoutant qu’une part de cette victoire revient à la France qui, de longue date, a prêté à la Pologne son appui moral et son aide matérielle, aux officiers français qui ont coopéré à sa préparation et qui, non contents de mettre leur expérience au service de leurs camarades polonais, ont généreusement, pendant les journées critiques, porté sur le front de combat l’exemple vivifiant et fécond de leur bravoure et de leur foi dans le succès, on ne fait que répéter ce que la Pologne entière a proclamé avec autant de générosité que d’enthousiasme par les manifestations de reconnaissance dont elle a salué le départ du général Weygand le 25 août, et quelques semaines plus tard, celui du général Henrys.


La bataille de la Vistule terminée, il reste à compléter les résultats acquis en dégageant largement vers l’Est les futures frontières de la Pologne. L’effort bolchéviste sur Varsovie n’a d’ailleurs pas encore épuisé toutes les réserves russes.

Tandis que les débris des armées rouges du Nord refluent dans un indescriptible désordre vers leurs centres de réorganisation, le commandement bolchéviste appelle en toute hâte les renforts dont il dispose encore à l’intérieur : onze divisions nouvelles sont acheminées vers la région de Grodno.