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actuel, et si le Prince veut, ou peut appliquer ses idées, je dirai bravo ! et ne regretterai rien. »

Au milieu de tout cela, les épreuves vont et viennent de Nohant à la Revue, celles de Maurice, et celles de George ; je dois dire qu’elle accepte avec plus de résignation les critiques du directeur lorsqu’elles la concernent, — celles qu’il adresse à Maurice la piquent. Cependant elle convient parfois elle-même : « Le style de Maurice a toujours besoin d’être revu par moi pour la correction complète. Mais je trouve qu’il a l’expression heureuse, et une forme tout à lui. Qu’est-ce que vous en pensez, entre nous ? Dois-je l’encourager à écrire ? » Parfois, dans cet échange d’épreuves, F. Buloz se perd ; alors George s’impatiente et le houspille ; il ne lui renvoie pas son manuscrit avec l’épreuve : « C’est la faute de votre cervelle éventée ! — Que se passe-t-il dans votre tête ? Etes-vous amoureux ? Je commence à le croire… » Le 7 février : « Dans l’épreuve de la troisième partie (il s’agit du livre de Maurice, toujours), il y a une lacune qui est peut-être volontaire, et que je n’accepte pas. C’est l’histoire d’un cochon gras trouvé à moitié cuit en pleine forêt vierge. L’histoire était drôle, et drôlement racontée, par quelle pruderie la supprime-t-on ? Un cochon est un cochon, et je ne vois pas pourquoi on ferait la petite bouche. Est-ce que vous avez un prote juif ?… »

En mai 1862, Maurice Sand se mariait : gros événement à Nohant ; George enchantée en fait part à son amie Mme F. Buloz. ; « Partagez le bonheur de votre vieille amie, » lui écrit-elle, Maurice épouse la fille de « son vieux Calamatta, » Lina, « qui a 20 ans, et qui est charmante. » George l’a vue naître et la considère déjà comme sa fille : « Lina n’est pas une nouvelle connaissance, il y a beau jour qu’elle est choyée et gâtée à Nohant. Maurice l’aime de tout son cœur… » Et comme d’habitude à ces annonces d’hyménée, « tout le monde est dans la joie. »

George oublia-t-elle d’expédier cette lettre, datée du 2 mai, à son amie ? (le mariage devait avoir lieu pendant le courant du mois), Mme F. Buloz, le 20 mai, ne l’avait pas encore reçue. Ne l’avait-elle pas reçue ? Ce mariage civil… (George écrivait au prince Jérôme : « Pas de prêtre ! Nous sommes excommuniés, comme tous ceux qui, de fait ou d’intention, ont souhaité l’unité de l’Italie et le triomphe de Victor-Emmanuel ; nous