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est conquise, et le front polonais, déjà établi au Nord sur la Duna, en aval de Polotsk, et sur la Bérésina, est porté au centre derrière l’obstacle du Dnieper moyen, d’où il s’infléchit au Sud pour s’appuyer au Dniester en englobant la Podolie.

Ces premiers succès, trop facilement remportés sur des troupes surprises et non renforcées, ont pu justifier aux yeux du Gouvernement polonais la hardiesse d’une politique dont les Alliés ne lui ont peut-être pas signalé les dangers à temps et avec toute la fermeté nécessaire. Avant d’engager la lutte sur une frontière de plus de 1 000 kilomètres d’étendue, avec une armée encore insuffisamment organisée et d’une vingtaine de divisions seulement, contre les forces rouges, mal réparties sans doute et de valeur médiocre, mais supérieures en nombre et disposant de réserves considérables, la Pologne n’eût-elle pas dû, en effet, s’asseoir tout d’abord sur des bases solides, compléter l’organisation de son armée, et refaire son unité morale disparue au cours d’un long asservissement sous trois régimes différents ?

Cependant, les dirigeants bolchévistes, loin de se laisser détourner de leurs buts par les revers de leurs armées en Ukraine, poursuivaient activement au Nord, dans la région Witebsk-Smolensk, la concentration, commencée depuis plusieurs mois, de deux armées de réserve fortes au total de quinze divisions. Comme de coutume, ils préludaient à leur effort militaire en direction de Varsovie par une propagande intense : l’offensive de Kiev fournissait à cette propagande un argument nouveau qu’elle ne manquait pas d’exploiter habilement aux yeux de l’Europe et du peuple russe lui-même, réveillant au profit du régime des Soviets le sentiment national et la haine séculaire du Russe contre l’envahisseur polonais.

Dès le 14 mai, les forces rouges du Nord répondent à l’offensive de Kiev par une riposte en direction de Minsk. Les troupes polonaises reculent de 100 kilomètres, puis se ressaisissent. Leur front est à peine rétabli sur la Bérésina que le commandant des forces rouges du Sud attaque à son tour en lançant en direction de Jitomir et de Berditchev le corps de cavalerie Budieny, C’est ce corps de cavalerie qui vient de consommer la déroute de Denikine. Il excelle à percer les faibles fronts d’infanterie distendus à travers les immenses espaces russes. Ses incursions subites entravent la manœuvre du commandement