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puis d’essayer, en terminant, de définir la situation actuelle et d’examiner les résolutions et les mesures dont l’adoption semble devoir, tôt ou tard, s’imposer aux Puissances alliées, si elles veulent, à la fois, sauvegarder l’existence de la Pologne, maintenir les traités et garantir leur propre sécurité.


I

En ressuscitant la Pologne, et en fixant les conditions d’après lesquelles devaient être déterminées ses frontières au Nord, à l’Ouest et au Sud, avec l’Allemagne et la Tchéco-Slovaquie, les Puissances alliées ont laissé ouverte la question de ses frontières orientales avec la Russie.

De ce côté, l’absence de lignes de démarcation naturelles et la complexité des revendications territoriales fondées sur le caractère ethnique des populations, rendaient en effet la solution des plus délicates. L’Entente, paralysée par son indécision touchant le règlement du grand problème russe, soucieuse avant tout de ménager l’avenir, s’est donc bornée à donner à la Pologne, comme frontière provisoire, celle de l’ancien royaume du Congrès de 1815 [1].

Une telle solution, en limitant trop étroitement le domaine où la Pologne aspirait à restaurer sa vie nationale, devait infailliblement la déterminer à s’assurer elle-même une frontière plus large. Inquiète d’autre part des préparatifs d’attaque que lui faisaient présager les concentrations bolchévistes en Russie blanche et en Ukraine, elle était conduite à en écarter la menace par des offensives préventives, et à consolider sa situation politique et militaire en organisant, pour les interposer entre son territoire et la Russie, des États tampons capables d’amortir les chocs inévitables entre deux nationalités traditionnellement rivales.


L’offensive de Kiev, succédant à la conclusion d’un accord avec l’ataman Pelliura, marque la première étape dans la réalisation du plan dicté par cette politique.

En dix-sept jours (25 avril-12 mai), la capitale ukrainienne

  1. A la date de la fixation de cette frontière provisoire (8/12/1919), le front oriental polonais la dépassait et avait atteint la ligne générale Polotsk, Borisov, Böbruisk, Novograd-Volynsk, Kamenets-Podolsk.