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effacé, que représentent les Mémoires, pour qui Richelieu seul existe. Ce roi a été autre chose d’après les documents directs, beaucoup plus personnel qu’on ne se l’imagine, ayant joué un rôle et exercé une action très forte dans la politique intérieure, au moins, — action exercée en dehors de Richelieu souvent, parfois contrairement à Richelieu, ce que n’ont pas dit les Mémoires, — sinon dans la politique extérieure, trop compliquée ; encore a-t-il eu le mérite de la bien comprendre et de la suivre. En fait, les deux personnages, dans leur collaboration quotidienne, si curieuse, si émouvante quelquefois, pleine, alternativement, de confiance ou de trouble, de dévouement, de respect, de tendresse ou d’orages, et dominés l’un et l’autre par un très beau et très élevé sentiment du devoir, désormais délivrés du texte qui imposait à l’histoire l’aspect difforme de leur physionomie dénaturée, peuvent apparaître sous leur jour véritable, c’est-à-dire avec une humanité autrement attachante et douloureuse que celle qu’a créée le théâtre. C’est le meilleur profit que la vérité puisse retirer de cette « disqualification » des Mémoires de Richelieu qui a tant tardé et de cette constatation d’une erreur mystifiante dont la persistance, durant plus d’un siècle et demi, fera la surprise des critiques futurs !


LOUIS BATIFFOL.