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Gui Patin nous renseignent abondamment sur le choix de Mme d’Aiguillon, le travail du P. Le Moyne, ses retards, les discussions relatives à la publication, tous détails encore incompréhensibles, si Richelieu a rédigé ses Mémoires. Le P. Le Moyne composa une vie de Richelieu en trois volumes in-folio qui demeura manuscrite et dont les historiens se sont servi au XVIIIe siècle. Puis, ce manuscrit disparut en 1765, au moment de la dispersion des jésuites, et, depuis, personne n’a pu le retrouver : à vrai dire, la perte ne parait pas très considérable.


En définitive, le document appelé Mémoires de Richelieu n’est qu’une compilation de textes et de pièces assemblés par deux personnages de médiocre valeur, ne se proposant nullement de faire un travail historique définitif, n’imaginant pas, en prévision de la fortune extraordinaire qui attendait leur œuvre, qu’ils dussent surveiller avec sévérité ce qu’ils avançaient. Richelieu n’est pour rien dans la rédaction de ce travail. Les jugements des Mémoires sont donc sujets à caution parce qu’ils n’émanent pas du cardinal et n’ont pas été contrôlés par lui, mais qu’ils proviennent d’individus peu intelligents, mal qualifiés, suspects. Lorsqu’on croit même être en présence d’un document recopié par eux, il faut encore se méfier parce que les compilateurs ont pu corriger maladroitement le document et en dénaturer le sens, ce qui leur arrive.

Les prétendus Mémoires de Richelieu perdent ainsi l’autorité considérable qu’ils devaient à la personnalité de leur illustre auteur supposé. L’histoire du règne de Louis XIII, qui, en grande partie, reposait jusqu’ici sur les affirmations des Mémoires, tenues pour irréfutables, puisqu’elles provenaient du personnage le plus autorisé à les produire, est à revoir prudemment. Il n’y a pas à craindre, hâtons-nous de le dire, que soient diminués les justes motifs que nous avons d’admirer le prodigieux homme d’État qu’a été le cardinal de Richelieu, ni à redouter la surprise de découvrir que Louis XIII est un « esprit supérieur. » Mais, tout de même, nous aurons peut-être à envisager Richelieu un peu autrement qu’on ne l’a considéré jusqu’ici, à ne pas lui prêter des défauts ou des idées qu’il n’a pas eus et à lui reconnaître des qualités qu’on lui conteste. Louis XIII, d’autre part, ne peut plus être le fantoche