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peine à lui expliquer que son travail était inexistant. Il s’offrit à lui pour l’aider : l’autre accepta. Nous suivons pas à pas sur le manuscrit de Charpentier l’œuvre de Harlay. Harlay revoit d’abord le document, le corrige et met des notes en marge comme celles-ci : « Bon ; demi-bon ; peut-être bon ; tout ceci ne vaut rien. » Puis, là, où il entreprend des corrections importantes, il renvoie à des feuilles spéciales qu’il a préparées, écrivant en marge : « Voyez ici mes feuilles de correction ; voyez mes corrections ; voyez mes feuilles. » A un moment, il consigne : « J’ai vu jusqu’à la page 41. « Surtout, il rature, supprime, barre des pages entières, des cahiers entiers, enfin écrit cette phrase caractéristique de son travail : « Nous en avons corrigé et diminué beaucoup (de l’œuvre de Charpentier). Ce n’est pas encore tout ce qui s’y doit faire, mais le chemin est aplani, la matière est préparée au meilleur ouvrier pour y travailler et y donner plus facilement la forme. » Il est difficile d’expliquer plus clairement le rôle de correcteur de Harlay dans la révision de l’œuvre de Charpentier. Le manuscrit de Charpentier ne traitait que des années 1624 à 4630 : Harlay y a retranché la valeur de 2 166 pages in-folio. Après quoi il a fait recopier et mettre au net le texte. C’est cette copie qui est le second de nos manuscrits originaux des Mémoires.

Car Harlay entreprit alors, de concert avec Charpentier et Cherré, de procéder à la même préparation du « corps d’histoire » pour les périodes de la vie de Richelieu que Charpentier n’avait pas traitées, c’est-à-dire de 1600 à 1624, et 1631 à 1642. Nous avons ici, de même, sur les documents et sur le manuscrit final, tous les détails du travail de Harlay. Harlay corrige les pièces originales pour les copistes, fixe les endroits où ceux-ci devront prendre, rédige les transitions, met les temps de verbe à la troisième personne, esquisse des canevas.

Il n’a pu poursuivre son travail au delà de 1638 : la mort l’a arrêté en effet en 1646 : c’est en quatre ans, de 1642 à 1646, qu’il a donc procédé à sa compilation. Son manuscrit se conserva tel quel dans les archives de Rueil. Quelque vingt ans après, seulement, en 1663, Mme d’Aiguillon, qui avait eu dans l’intervalle bien d’autres préoccupations, la Fronde, les procès avec sa famille, se décida à désigner enfin l’écrivain qui rédigerait l’Histoire de son oncle. Celui qu’elle désigna était un poète, un jésuite, le P. Le Moyne, assez médiocre auteur. Les lettres de