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Elle s’adressa à Mme de Rambouillet. Mme de Rambouillet, qui voyait dans son hôtel tous les écrivains du temps et se trouvait mieux à même que personne de lui désigner l’auteur nécessaire, consulta Vaugelas. Vaugelas, nomma Perrot d’Ablancourt ou Patru : le premier fut écarté comme protestant, le second, sondé par Desmarets de Saint-Sorlin, refusa. Chapelain recommandant plus tard, en 1662, Patru à Colbert pour écrire les annales du règne de Louis XIV, disait : « On l’a autrefois regardé pour écrire la vie de M. le cardinal de Richelieu. » Qui ne voit que tous ces détails sont incompréhensibles, si Richelieu a écrit ses Mémoires avant de mourir ?

Mais pendant que ces démarches se poursuivaient, les anciens secrétaires de Richelieu, Charpentier et Cherré, travaillaient à mettre en ordre les papiers de Rueil, afin de faciliter la tâche de l’écrivain que l’on cherchait, et achevaient de classer les documents. Même Charpentier se mettait à composer ce qu’on appelait en ce temps « un corps d’histoire, » c’est-à-dire une sorte de groupement de pièces historiques ajoutées bout à bout, dans leur ordre chronologique, reliées par des phrases de transition, les temps des verbes et les pronoms corrigés pour donner l’aspect d’un vague commencement de narration suivie : ébauche qui simplifierait le travail du rédacteur attendu. C’est ce corps « d’histoire de Charpentier qui constitue le premier des manuscrits dits originaux des Mémoires de Richelieu. Mais quand on l’examine de près sous les innombrables corrections qui l’ont ensuite transformé, on constate que le pauvre Charpentier n’était qu’un compilateur bien insuffisant ; son « monstre » est informe ! Car si au début le texte présente encore quelques semblants de rédaction, la main de l’auteur ensuite s’alourdit et on finit par ne plus avoir devant soi qu’un amas confus de documents disparates entassés sans ordre à la suite des uns et des autres : français, latins, italiens, espagnols, plans de bataille, états de vaisseaux, garnisons, consignes de ronde, dessins de fortification, etc. Mieux eût valu, presque, laisser les papiers tels qu’ils étaient et n’y pas toucher. C’est alors qu’est intervenu Harlay de Sancy.

Nous avons vu qu’il connaissait Charpentier : nous avons sa correspondance avec lui. Il le cultivait parce qu’en ce temps, ainsi qu’à toutes les époques, on faisait la cour au chef de cabinet d’un ministre puissant. Ayant pris connaissance du « corps d’histoire » que poursuivait Charpentier, Harlay n’eut pas de