Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/892

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du secrétaire attitré de semblable travail ! Sancy n’eût-il pas dû, le premier, donner son concours à une œuvre qui remplaçait celle qu’il aurait jusque-là conduite ? L’évêque de Saint-Malo n’a certainement pas été le secrétaire des Mémoires de Richelieu et n’a pas composé les Mémoires du vivant du cardinal ! Comment donc a-t-il été amené à les écrire après la mort de Richelieu ? Nous avons tous les détails : ils sont demeurés jusqu’ici inexpliqués, faute des éclaircissements précédents.


Après la mort de Richelieu, sa nièce, Mme d’Aiguillon, n’eut rien de plus à cœur que de réaliser les projets de publication qu’avait conçus son oncle, et que celui-ci lui avait recommandés sur son lit de mort. C’était, d’ailleurs, une façon de défendre la mémoire du ministre violemment attaquée partout. Elle commença par les livres de piété et de controverse. Elle trouva des collaborateurs qui consentirent à mettre au point les manuscrits laissés par Richelieu et à en surveiller l’impression. Nous savons que l’abbé de Bourzeis se chargea du Livre des controverses pour convertir les protestants, Desmarets et Lescot de la Perfection du chrétien, d’autres de l’Institution du chrétien ou de l’Invocation à la Vierge.

Mais quelle œuvre s’imposait plus que celle de l’Histoire si longuement préparée par le cardinal ? Devant le flot d’injures et de haine que soulevait la mémoire du ministre, n’était-ce pas un devoir pieux, pour les siens, que d’exposer ses actions et de les disculper ? Mme d’Aiguillon se décida à faire rédiger l’histoire projetée par son oncle. Scarron était au courant de ses intentions :


Par quelle générosité
A-t-elle conservé sa gloire (de Richelieu)
Et fait revivre sa mémoire
En dépit de l’iniquité ?
Et qui plus qu’elle dans l’histoire
Instruira la postérité ?


Nous connaissons le titre qu’elle voulait donner à l’œuvre : Histoire du ministère d’Armand Jean du Plessis cardinal duc de Richelieu. Elle avait les papiers à Rueil : restait à trouver un écrivain.