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a eu les papiers de Richelieu entre les mains, les a classés, préparés, corrigés en vue de la rédaction de l’œuvre, puis a fait copier la compilation et corrigé de sa main le manuscrit des Mémoires, il faut donc que la fameuse écriture prise pour celle de Richelieu par Foncemagne ou celle du « secrétaire des Mémoires, » soit l’écriture de Harlay de Sancy : et, en effet, il n’y a pas d’hésitation, cette écriture est bien la sienne. La comparaison de cette écriture avec celle des lettres authentiques du personnage qui ont été confrontées, ne permet aucun doute : l’auteur de la compilation dite les Mémoires de Richelieu est bien Achille de Harlay de Sancy, évêque de Saint-Malo.


Quel est donc cet évêque de Saint-Malo apparu inopinément et qui joue un tel rôle dans la question qui nous occupe ? Bien que nous ayons expliqué plus haut que Richelieu n’a jamais désigné personne pour écrire ses Mémoires et ne les a fait écrire par personne, est-il possible, ce qui est maintenant nécessaire, d’avoir des précisions sur les rapports du cardinal avec ce prélat, afin de nous assurer que ce n’est vraiment pas Richelieu qui l’a chargé du travail auquel il s’est livré et que ce travail ne s’est pas fait du vivant du ministre ? J’ai pu retrouver une cinquantaine de lettres de Harlay écrites à Richelieu ou à son entourage dans la période de la vie du cardinal 1632-1642 (jusqu’à la mort du ministre) pendant laquelle aurait pu se poursuivre le travail des Mémoires. Nous allons être amplement édifiés : aucune de ces lettres ne contient l’ombre d’une allusion à une collaboration quelconque du genre de celle qu’on supposerait ; et même, Richelieu n’a certainement jamais pu avoir l’idée de confier à un tel personnage une œuvre aussi importante dans la pensée du ministre.

Harlay de Sancy était un homme médiocre, de peu de jugement et de caractère difficile. Il appartenait à une bonne famille ayant rendu de grands services à l’État, d’où son élévation à un siège épiscopal en 1632. Il avait fait un peu de tout auparavant, dans sa vie : la guerre, en Espagne, en Italie ; son droit, des voyages, de la diplomatie : il s’était fait nommer en 1611, à trente ans, ambassadeur à Constantinople, d’où il était revenu à peu près disgracié en 1619. Alors il était entré à l’Oratoire où il causa beaucoup de difficultés. Bassompierre le