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détenteurs de ces manuscrits savaient, explicitement ou implicitement, quel était le nom de l’auteur : aucun d’eux ne dit que cet auteur soit Richelieu, et, quand ils donnent un nom, ce nom est partout le même. Voici ce nom !

Le titre d’une copie des Mémoires conservée dans la collection Leber à la Bibliothèque de Rouen est ainsi conçu : « Mémoires écrits par messire Achille de Harlay de Sancy, évêque de Saint-Malo. » Le manuscrit, dit du cardinal de Gesvres, à la Bibliothèque nationale, porte : « Journal des Mémoires de M. de Saint-Malo. ‘ » Le manuscrit de la collection du président de Harlay, aujourd’hui aussi à la Bibliothèque nationale, et sur lequel un certain nombre d’autres ont été copiés, est décrit de la façon suivante par le P. Lelong dans sa savante Bibliothèque historique, parue en 1719, d’après les indications que lui ont fournies les bibliothécaires de Harlay : « Journal du cardinal de Richelieu par Achille de Harlay de Sancy, évêque de Saint-Malo. » Un manuscrit ayant appartenu à La Reynie, lieutenant de police sous Louis XIV, et aujourd’hui à la Bibliothèque du Sénat, est ainsi catalogué : « Histoire politique de ce qui s’est passé en l’année 1631, 1632 et 1633, par Harlay de Sancy, évêque de Saint-Malo. » Ainsi l’auteur des prétendus Mémoires de Richelieu serait un personnage, que nous n’avons jamais rencontré jusqu’ici, cousin d’un des détenteurs d’une copie, et nommé Achille de Harlay de Sancy, évêque de Saint-Malo. Nous avons d’autres confirmations du fait.

En 1649 vient à Paris un bénédictin italien s’occupant de travaux historiques, Vittorio Siri. On lui ouvre libéralement divers fonds d’archives et quelqu’un lui prête le texte des Mémoires de Richelieu. Il les cite dans son livre les Memorie recondite sous la forme suivante : « Histoire manuscrite de l’évêque de Saint-Malo. » Il y a hésitation sur le point de savoir si c’est Mazarin ou la duchesse d’Aiguillon qui lui a prêté le manuscrit dont il s’est servi. Dans les deux cas, le témoignage serait considérable. Si le collaborateur, le confident, le successeur de Richelieu, Mazarin, ou la nièce même de Richelieu, Mme d’Aiguillon, déclarent à Siri que le texte qu’ils lui confient n’est pas de Richelieu, mais de l’évêque de Saint-Malo, Achille de Harlay de Sancy, le débat est clos sur cette affirmation péremptoire émanant de témoins irrécusables.

Et, dernière preuve décisive, si c’est ce Harlay de Sancy qui