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doute ; le document était de Richelieu ; tout le monde le savait ; il n’était pas besoin de contrôler un fait notoire, reconnu par tous. Après Petitot, qui donna à l’œuvre le titre de Mémoires du cardinal de Richelieu, Michaud et Poujoulat n’eurent pas plus l’idée de vérifier une attribution désormais indiscutable. Aujourd’hui, les éditeurs actuels de la publication en cours des Mémoires ont pensé de même. Ces éditeurs constataient bien, dans des études consciencieuses et attentives, les difficultés que présentait l’examen critique des Mémoires, mais qui eût osé concevoir l’idée d’émettre un doute sur l’attribution à Richelieu d’une œuvre universellement reconnue comme étant de lui ?


Eh bien ! si avant d’attribuer à Richelieu l’histoire manuscrite de Louis XIII qu’il rencontrait au ministère des Affaires étrangères, Foncemagne avait eu la prudence d’étudier les copies contemporaines de ce manuscrit qui se trouvaient dans des collections particulières, de les comparer, il aurait découvert que ce manuscrit avait un auteur et que cet auteur n’était pas Richelieu.

Et quels étaient les détenteurs de ces copies ? D’importants personnages du règne de Louis XIII ou de la régence d’Anne d’Autriche, qui avaient connu Richelieu, avaient collaboré avec lui, fréquenté son cabinet, et, par conséquent, devaient savoir ce qu’il en était : Séguier, le chancelier de France de Louis XIII, successeur de Richelieu comme protecteur de l’Académie française, « ami intime du cardinal, » dit une note de Dupuy ; Jacques Dupuy, le garde de la Bibliothèque du roi, dont nous avons parlé, collaborateur assidu des secrétaires de Richelieu ; Colbert, le grand Colbert, entré sous Louis XIII au service de Le Tellier, passé ensuite à celui de Mazarin, et dont le bibliothécaire, Baluze, avait été l’ami de l’ancien secrétaire de Richelieu, Charpentier ; Coislin, un cousin de Richelieu ; Achille de Harlay, procureur général au Parlement de Paris, dont le bibliothécaire, Denis Godefroy, en relation étroite avec les Dupuy, collaborait, comme eux, aux travaux du cabinet de Richelieu.

Un minutieux examen critique nous a permis d’établir la filiation de ces manuscrits au nombre d’une douzaine, c’est-à-dire, de fixer l’ordre, approximativement, dans lequel ils ont été copiés les uns sur les autres. Cette filiation montre que tous les