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que l’œuvre soit de Richelieu ; — autrement, quelle valeur le document n’aurait-il pas pour lui ! — La famille ne le lui a pas dit. Parlant même du reste des papiers qu’il reçoit, il écrit : « Ce qui a été ramassé par le cardinal de Richelieu est uniquement dans la vue de faire l’histoire ou plutôt le panégyrique de cet ambitieux ministre. » Donc, pour Torcy, Richelieu s’est borné à réunir des documents afin d’écrire l’Histoire ; mais cette Histoire il ne l’a pas écrite. Torcy va jusqu’à déclarer incidemment : « Je crois qu’une bonne histoire du ministère du cardinal de Richelieu... où on s’appliquerait moins à raconter les faits et décrire des batailles qu’à découvrir la source et la cause des événements et des guerres dont l’Europe a été agitée pendant le dernier siècle, pourrait donner une grande connaissance de ce que je souhaiterais sur cela. » Il ne se doute pas, évidemment, que cette histoire qu’il désire, il l’a sous la main, rédigée par le plus qualifié des historiens, l’auteur même des événements dont il veut « découvrir la source et la cause. »

Dans toute l’œuvre de Voltaire où il est cent fois parlé de Richelieu avec l’âpreté que j’ai dite et où l’authenticité du Testament politique est attaquée de façon véhémente, jamais on ne rencontre la moindre allusion aux Mémoires. Voltaire n’en connaît pas l’existence.

Enfin l’auteur de la meilleure Histoire de Louis XIII que nous ayons, parue en 1758, et faite avec une conscience, une érudition, un sens critique de tous points excellents, le P. Griffet, ne connaît pas davantage les Mémoires de Richelieu. Ceux-ci n’existent pas pour lui.

Et ainsi nous sommes amenés à l’année 1764, date fatidique, car c’est en effet en 1764, enfin, que nous allons, pour la première fois, entendre parler d’une œuvre demeurée, jusqu’ici, à ce point dissimulée : et voici de quelle manière cette révélation capitale nous est faite.


Discutant avec Voltaire la question de l’authenticité du Testament politique de Richelieu, l’érudit Foncemagne publie en 1764 une Lettre sur le Testament politique, dans laquelle, incidemment, il parle de l’idée qu’a eue le cardinal d’écrire la vie de Louis XIII. Il ajoute que, fortuitement, il a rencontré