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Dupuy collaboraient avec le cardinal, fournissaient au gouvernement les éléments juridiques et historiques des mémoires qu’avaient à rédiger les ministres. Ils étaient fort savants ; ils ont laissé une collection considérable de manuscrits, qui constitue un fonds précieux de la Bibliothèque nationale ; leur cabinet était fréquenté par tout ce que le temps comptait de curieux ; nous avons nombre de leurs lettres. Ils ne savent rien des Mémoires. Bien mieux, Jacques Dupuy a eu entre les mains le texte des Mémoires ; il en a fait, pour sa collection, un résumé et des extraits ; il ignore que le travail soit de Richelieu ; aucun des secrétaires du cardinal, qu’il voit constamment, ni le cardinal lui-même, ne le lui a dit.

Chacun sait l’importance qu’a eue en ce temps l’hôtel de Rambouillet, centre de la société de Paris de cette époque, rendez-vous des ministres, courtisans, écrivains, de « tous les beaux esprits » de la cour et de la ville. La marquise de Rambouillet était au mieux avec Richelieu, surtout avec sa nièce la duchesse d’Aiguillon. Dans quel endroit mieux que celui-ci pouvait-on savoir ce qu’il en était de l’existence d’une Histoire de Louis XIII composée par le grand cardinal que tout le monde admirait et craignait ? Et, effectivement, on y a su ce qui nous intéresse ; le chroniqueur fidèle et attitré de la maison, cousin de la marquise, de qui il dit tenir ses renseignements, Tallemant des Réaux, nous l’a transmis : Richelieu, dit-il, a laissé des papiers pour écrire son Histoire, mais cette Histoire il ne l’a pas écrite.

Poursuivons l’enquête. Le lendemain de la mort de Richelieu, un de ses familiers, Raconis, évêque de Lavaur, rédige l’oraison funèbre du cardinal, œuvre demeurée manuscrite, pleine de révélations précieuses sur le caractère et la personnalité de Richelieu. L’auteur parle des écrits qu’a laissés le ministre ; il s’étend sur le Testament politique où il voit un exposé remarquable « des actions publiques qu’il (le cardinal) a faites durant le temps de son ministère, » ce qui s’appliquerait admirablement aux Mémoires ; mais, pour ce qui est des Mémoires, il les ignore.

Pendant les années qui suivent la mort de Richelieu, la duchesse d’Aiguillon autorise un historien qui prépare une volumineuse histoire du cardinal, Aubéry, à venir travailler à Rueil, sur les papiers du ministre Aubéry fouille consciencieusement