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Açores, Terre-Neuve, New-York, Washington, l’Armée du Sud, les grands lacs, la prairie, le Niagara, Québec…

« Six mille lieues à fond de train, mais en situation de bien voir. C’est très vif, rapide, gai sans aucune prétention, et très artiste… » Bref, George propose l’œuvre de son fils en entier ou par chapitres à F. Buloz… « Tout cela sera relu et corrigé par moi en épreuves…, j’y joindrai une petite préface, et peut-être quelques lettres de moi. Vous lirez auparavant et vous jugerez vous-même.

« Voilà tout ce que je vous demande. »

Car George Sand est toujours hantée par l’idée d’un tribunal anonyme siégeant à la Revue (?), corrigeant les auteurs et les récrivant à sa guise, ce qui, à bon droit, l’exaspère.

En proposant le livre de son fils Six mille lieues à toute vapeur, George désire paraître à la Revue (avec son nouveau roman Tamaris) en même temps que son fils : l’idée est touchante, elle insiste auprès du directeur. « Je serai prête, moi, pour le 30 ; je ne vois pas d’inconvénient… à la publication simultanée de deux choses si différentes de forme et de sujet… Je crois et j’espère qu’il ne vous déplaira pas (l’ouvrage de Maurice) ; appréciez-le vous-même avec votre sens pratique, et ne le livrez pas au jugement, trop académicien, de ceux avec qui j’ai eu maille à partir. »

Cependant, F. Buloz, comme il l’a promis, a lu le livre de Maurice, il le publiera ; il fait pourtant ses observations : « J’ai remarqué l’expression « une forêt navrée, » c’est bien risqué. Je vous en fais l’observation[1]. » Et quelques jours après : « Dans la fin manuscrite du voyage, je crains que le président Lincoln ne soit un peu tourné en caricature. Voyez. On est bien court aussi sur Mac Clellan, qu’on compare cependant au premier Consul, avec une tendance un peu marquée… Dieu préserve l’Amérique d’un Empereur ! Je vous avoue que je deviens fort républicain, en voyant comment tournent les princes royaux et impériaux. Je me faisais parfaitement à la République que je n’avais pas appelée pourtant, et je regrette que la tentative n’ait pas mieux réussi ; vous voyez les revirements qu’amènent le révolutions[2]. »

Voici comment George Sand répond aux observations de

  1. Collection S. de Lovenjoul, 18 janvier 1862, F. 10, inédite.
  2. Id. 21 janvier 1862, F. 12.