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depuis qu’on a retrouvé des parties de cette œuvre écrites de sa main avec la mention « Testament. »

Il a préparé cette histoire patiemment toute sa vie. L’examen de ses papiers nous fait assister à cette préparation. Il avait deux secrétaires fidèles qu’il a gardés jusqu’à sa mort, Charpentier et Cherré, braves gens, un peu ordinaires, mais d’une discrétion, d’une conscience parfaites. Ces secrétaires, en vue de « l’Histoire, » — car Richelieu appela l’œuvre qu’il projetait « l’Histoire, » et non Mémoires, — classaient les correspondances reçues, gardaient copie des lettres envoyées, écrivaient sous la dictée du cardinal les notes que celui-ci rédigeait en vue de l’Histoire. Nous avons une trentaine de ces notes de Richelieu, si précieuses pour nous : nous ne les avons certainement pas toutes. Elles sont écrites à la première personne et présentent des jugements, des confidences, des souvenirs d’un intérêt de premier ordre.

Puis Richelieu a demandé aux secrétaires d’État de lui faire copier les documents qu’ils recevaient ou expédiaient. Nous avons nombre de lettres relatives à ces demandes : « Je cherche tous les papiers que j’ai entre les mains, écrit le surintendant des finances Bullion au cardinal le 24 juillet 1633, pour servir à l’Histoire, suivant votre commandement. » « M. le Jeune, mande Richelieu au secrétaire d’État Chavigny le 31 mai 1634, aura soin de faire faire les extraits pour l’Histoire que je lui ai demandés et de retirer de son père (Bouthillier, autre secrétaire d’État) ceux qu’il m’a promis. » « Je prie M. de Noyers de me faire faire par ses commis des copies de toutes les instructions, ordres et dépêches importantes qu’il a expédiées cette année, qui peuvent servir de mémoires à l’Histoire afin qu’on les ajoute à mes journaux. » On notera ici le mot de « mémoires » qui a le sens du XVIIe siècle de « papiers, documents. »

Enfin, Richelieu a prié différents personnages de son temps, ayant joué des rôles politiques, de lui écrire des relations de ce qu’ils avaient vu. Nous avons certaines de ces relations ; par exemple, une interview de Sully prise en 1632, les Mémoires de Déageant rédigés en 1631. Déageant explique qu’il ne dit rien, dans sa relation, du règne de Henri IV parce qu’il n’a pas de papiers sur cette époque, mais, si on veut, ajoute-t-il, il en causera avec celui qui fera l’Histoire. Remarquons ce mot : celui qui fera l’Histoire : il en résulte qu’en 1631 les débuts des