Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/876

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfants, devenus prêtres, religieuses, parmi lesquels Louis Tronson, futur supérieur des Sulpiciens. Voici ce que dirait Richelieu de lui : « Tronson avait déshonoré sa maison pour s’enrichir et il portait en la prostitution de ses sœurs la preuve de son infamie ! » Jamais le cardinal, pour ceux qui croient le connaître par les textes et non par la légende, n’a écrit ces deux lignes indignes de lui !

Enfin et surtout, relativement à des faits concrets, il existe en maintes occasions des contradictions si formelles entre ce que disent les documents originaux et ce que racontent les Mémoires qu’on ne sait que penser. Qui croire ? les pièces originales ou les affirmations du cardinal ? Les premières sont formelles, mais les dires de Richelieu sont-ils contestables ? On voit le problème.

Et alors se présente à l’esprit, peu à peu, cette question : d’où vient qu’on fasse porter à Richelieu la responsabilité de ce que contiennent les Mémoires publiés en 1823, sous son nom ? Quelle preuve a-t-on qu’il soit l’auteur du document ? Qui l’a dit le premier, sur quoi se fondait celui qui l’a dit ? L’examen des manuscrits révèle qu’un personnage, reconnaissable à son écriture caractéristique, — laquelle n’est pas celle de Richelieu : il n’y a pas de discussion sur ce point, — a eu entre les mains les papiers du cardinal, les a classés et préparés en vue de la rédaction des Mémoires, arrangeant les phrases, rédigeant les transitions, guidant les copistes, lesquels ont transcrit ensuite bout à bout ces documents, — car les Mémoires ne sont qu’une compilation de pièces mises les unes à la suite des autres, — et a de nouveau corrigé la rédaction définitive. On a dit que ce personnage était un secrétaire spécial de Richelieu et on l’a appelé « le secrétaire des Mémoires. » Comment sait-on que ce compilateur était vraiment le secrétaire de Richelieu, qu’il a écrit sous sa dictée, sous son contrôle, et que le cardinal demeure l’auteur responsable du document ? Tel était le problème. Il fallait interroger toutes les sources. Voici à quel résultat cette enquête approfondie nous a conduit.


Richelieu a eu l’intention d’écrire une histoire de Louis XIII. Il le dit lui-même dans une lettre au roi en tête de son Testament politique dont l’authenticité n’est plus discutée aujourd’hui