Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/873

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actes. La lecture rapide du document donna du personnage une impression magnifique. Cet homme était vraiment extraordinaire, « un génie ! »

Il avait tout fait. Seul il avait dirigé, maîtrisé, conduit les événements. Un illustre historien pouvait lui décerner cet éloge rare « qu’il avait eu les intentions de tout ce qu’il avait fait, » ce qui d’ailleurs est inexact, à examiner les textes, et invraisemblable philosophiquement. On parla de « la politique de Richelieu » comme d’un système nouveau, imaginé par lui, sans faire attention que le cardinal s’était borné à suivre la politique qui s’imposait à tous les gouvernements de la France depuis plus d’un siècle.

Puis, l’idée de « génie » grandissant, Richelieu devint un esprit presque moderne qui avait pressenti l’avenir, préparé la centralisation de la France (ce qui l’eût fort surpris) ; créé par ses intendants, l’instrument de cette centralisation ; donné un essor, inconnu jusque-là, à la marine et inauguré la politique coloniale (ce qui était vrai, mais, après lui, son œuvre fut abandonnée : ) bref, en chaque chose il avait été un précurseur.

Surtout, d’après ses Mémoires, il demeurait, dans le règne de Louis XIII, le personnage unique : sa stature dépassait tout ce qui l’entourait. : Le roi Louis XIII fut la première victime de cette perspective : le prince resta ce que le théâtre l’avait fait, un pauvre être débile, d’intelligence à peu près nulle, sans caractère, que le cardinal menait comme il voulait, le violentant et le méprisant. Telle est la thèse encore assez généralement admise. Elle est indiscutable, dit-on, puisqu’elle repose sur les affirmations de Richelieu lui-même dans ses Mémoires. Il n’y a pas à mettre en doute la véracité des éléments que contiennent les Mémoires : en les insérant dans son œuvre, Richelieu les a, par là, fait siens et authentiqués ; tout au plus pourrait-on discuter des passions qui ont inspiré l’auteur.


Or l’historien critique qui reprend un par un les documents originaux, les analyse et les confronte avec les Mémoires, demeure surpris des divergences qu’il y a entre les Mémoires et les documents, puis s’étonne de bien d’autres choses.

L’œuvre, d’abord, composition et rédaction, est étrangement manqués. Ceci ne s’accorde pas avec le souci qu’avait Richelieu,