Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/871

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES FAUX MÉMOIRES
DU
CARDINAL DE RICHELIEU [1]

Depuis bientôt trois siècles la réputation du cardinal de Richelieu a subi des fortunes diverses. Que le célèbre homme d’Etat ait été profondément impopulaire de son temps, il n’y a rien là qui doive surprendre. Les contemporains lui ont reproché la fermeté de son gouvernement intérieur et sa politique extérieure de guerre. Mais bien des fois le cardinal a observé que les Français s’indignent toujours de la « lâcheté » de leurs ministres, quand ceux-ci sont modérés, et de leur « cruauté, » quand ils sont énergiques. Pour ce qui est de la politique extérieure, les gens du temps n’ont rien pu ou voulu comprendre aux nécessités qui obligeaient le Roi de France à lutter sans merci contre les rêves hégémoniques de l’empereur allemand de cette époque.

Après la mort de Richelieu, la haine qu’il inspirait se déchaîna. Les invectives de Gui Patin contre ce qu’il appelle le « rouge tyran, » les mots enflammés de l’avocat Gaultier plaidant avec virulence contre la duchesse d’Aiguillon, nièce du cardinal, dans les nombreux procès que suscita la succession du ministre, donnent le ton des sentiments qui régnaient.

Sous Louis XIV il y eut un répit. Le grand roi n’aimait pas

  1. Le présent article résume les données d’un mémoire étendu que va publier prochainement la Société de l’Histoire de France sous le titre de : La question des Mémoires de Richelieu : Les Mémoires sont-ils l’œuvre du cardinal ? dans la série des Rapports et notices sur l’édition des Mémoires du cardinal de Richelieu, t. III, Paris, Laurens. Ce mémoire contiendra les développements nécessaires, les discussions critiques et les références.