Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/869

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

possible que cela n’apparaisse pas, parce que cela existe à coup sûr quelque part[1]. »

Un an plus tard, Marie Buloz, toujours languissante, est encore l’objet d’interminables discussions épistolaires entre les deux amies. George, rude campagnarde, ne comprend rien à ces tristesses : « La vie n’est pas en danger avec ce bel aspect de fraîcheur et de santé ; » on parle de Marie, autour d’elle, il n’y a dans ces conversations que sollicitude et sympathie : « Elle est si jeune, elle a une réputation d’intelligence, de grâce, d’esprit et de beauté, car elle a toutes ces choses, ne vous étonnez pas qu’on s’occupe de son bonheur… » D’après cette dernière remarque, je pense que des amis bienveillants avaient dû alors s’offrir à marier la « grande Mademoiselle. » Car c’est ainsi que les amis s’occupent du bonheur des autres, et George trouvait, — elle qui avait, personnellement, haï le mariage, — l’idée, cette fois, excellente.

Lorsque, plus tard, ma mère fut fiancée, George s’en réjouit. « Je suis enchantée… J’ai ouï dire que votre futur gendre était homme de talent et de distinction ; avec cela vous me dites qu’il est beau et charmant ; Marie l’a choisi : tout est pour le mieux… Je me réjouis pour eux et pour vous du fond de mon âme, car vous aviez bien besoin de repos et de consolation, ma pauvre enfant ; vous avez traversé de véritables désespoirs ; ne vivant que pour vos enfants, il vous était bien dû de ne plus voir languir et souffrir cette fille charmante et chérie. Embrassez-la bien pour moi, son mari aussi, et croyez que je suis contente, contente !

« … Quant au petit camarade[2], il est content aussi, il dit des folies, et prétend qu’il a très bien fait d’être encore plus épris de la mère que de la fille. Les jeunes personnes manquent selon lui de discernement, mais encore une vingtaine d’années, et la mère est à lui ! Au reste il compte vous écrire tout cela lui-même, à présent que vous êtes plus en train de rire que dans ces derniers temps. »

Hélas ! Mme F. Buloz, si tant est que le mariage de sa fille l’ait fait rire, ne devait pas rire longtemps. La santé de son fils, Louis, lui donnait, depuis quelques mois, de sérieuses inquiétudes ; Louis, le bras droit de son père, et dont les qualités de

  1. 4 mars 1863.
  2. C’est Manceau.