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Parmi cette liasse de billets, il s’en trouve quelques-uns, toujours affectueux et plaisants, adressés par George à son amie Mme F. Buloz : les deux dames sont demeurées fidèles l’une à l’autre ; George sait parler de ses joies maternelles, de ses peines ; de celles qui concernent Solange il n’est guère question. En 1862, seulement, ceci : « J’ai eu du chagrin de mes amis morts, Solange, toujours malade[1]… » c’est tout.

Mais sur le sujet de Maurice, George est intarissable : le mariage de Maurice, ses voyages, ses travaux, sa vie, la naissance de ses enfants. Pour Maurice, quelle mère elle est demeurée ! George aime aussi profondément sa belle-fille, Mme Maurice Sand, la fille de Calamatta : « C’est une petite sensitive, pleine de vitalité et de courage, » écrit-elle le jour où le départ de Calamatta met précisément Nohant en émoi ; Mme Maurice Sand pleure : « Ça déchire le cœur de voir pleurer les enfants qu’on adore. Et que faire ? Pas de vie sans douleur, et ceux qui ne souffrent plus de rien, ne sont plus bons à rien. »[2]

MARIE BULOZ

Le nom de la fille de Mme Buloz revient dans ces conversalions maternelles. Marie est souffrante, elle languit, pourquoi ?

  1. Je ne sais guère à quelle époque placer la lettre suivante de Solange Sand, qui se mêlait aussi de littérature. Elle venait d’essuyer pour un roman, elle aussi, un refus à la Revue. La lettre doit être adressée à Charles Buloz :
    « Montgivray, près La Châtre (Indre).
    « Monsieur,
    « Mon caractère est trop bien constitué pour prendre en mauvaise part les objections de Monsieur votre père. Je le remercie de m’indiquer les défauts capitaux et j’aimerais, comme vous me l’offrez, qu’il me précisât les détails défectueux… Je suis absolument de votre avis sur le style. C’est pourquoi je demandais, avant la publication, de faire passer sous les yeux maternels… mes types existent, le Turc en tête. Ce monde existe aussi (pas bien loin de vous et de moi, si je ne me trompe) et j’ai eu le loisir de l’étudier parmi les six mille mondes que j’ai hantés et que je vois encore… Je ne sais rien de plus excentrique (je redis votre mot) que l’espèce humaine… rien de plus fantasque, de plus absurde que les caractères européens, si graves qu’ils se croient être, et se montrent ; rien de plus bizarre que la vie : la vie de chacun prise à part, et regardée de sang-froid, sans préjugés politiques, littéraires, religieux, philosophiques, soi-disant moralisateurs ou autres. Je vois, je pense, je sens, singulier. Je ne puis donc faire qu’excentrique… Les lecteurs de la Revue ne sont pas si timorés que vous le supposez. Ils ont avalé Camors sans sourciller, et digéré Oldenis sans murmurer, » etc. (Inédite.)
  2. Inédite.