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colères, malgré aussi un jugement parfois hasardeux[1]. »

George, dont l’amour maternel est vif, ne garda pas très longtemps rancune à son directeur pour le refus que Maurice a essuyé à la Revue. Voici qu’en janvier 1867, cette excellente mère écrit un petit article, précisément sur le Coq aux cheveux d’or, le roman refusé : elle tient à le recommander personnellement au public, ce pauvre petit roman — Son article : « c’est une étude qui a son intérêt, et je tiens à ce qu’elle soit publiée le plus tôt possible. » Le plus tôt possible ? c’est-à-dire le 15 février. « Vous avez le temps de lire, de faire composer, et de me faire envoyer l’épreuve… » Mais F. Buloz (qui devient aveugle) n’a pas lu ; il a fait lire par Louis, son fils aîné, qui est maintenant son collaborateur ; il publiera, cela va de soi, le petit article ; pourtant : « Je prends seulement la liberté de vous dire que, si j’étais à la place de Maurice, je vous supplierais de ne rien publier sur mon livre. Une mère peut-elle recommander le livre de son fils par la voie de la publicité ? Il valait mieux nous laisser faire le succès du nouveau livre de Maurice. Quand croirez-vous, ma chère George, à ma vieille, trop vieille expérience, et à mon amitié ? » L’article de George Sand parut, néanmoins, dans la Revue du 15 février 1867, comme elle le désirait, et comme F. Buloz ne l’eût pas souhaité.

La correspondance du directeur et de George Sand est encore, à cette époque même, très riche et très riche aussi est la production de l’infatigable écrivain. Mon rôle n’est pas d’apprécier si cette fécondité valait celle des années disparues. Quant aux lettres, chacune de celles que j’ai sous les yeux (à la collection S. de Lovenjoul, elles sont à cette date moins nombreuses) commence généralement ainsi : « Mon cher Buloz, j’ai terminé Cadio ; » ou « j’ai fini Mademoiselle Merquem, qui est divisée en cinq parties (cette fois-ci, c’est un sujet doux, et sans excentricité, » ) ou encore : « Voulez-vous un petit conte ? … » et plus tard : « Mon cher vieux, je ne demande pas mieux que de faire le roman que je n’ai pas fait. Vos idées, aidées de votre grande expérience, peuvent être très bonnes[2]… » Une seule lettre paraît découragée, elle est adressée à Mme F. Buloz et débute ainsi : « Chère amie, cela m’est impossible, je ne pourrais pas continuer, je n’ai plus de mémoire… » Mais ce n’est pas l’habitude.

  1. 23 janvier 1866. Communiquée par Mme Lauth Sand. Sans doute inédite.
  2. Juillet 1869. Inédite.