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parole d’honneur ? Je vous en défie. Vous ne lisez aucun manuscrit, vous vous en rapportez à une analyse faite sans intelligence et avec hostilité… (C’est toujours le même soupçon depuis trente ans) : Vous vous en rapportez aux autres. Vous, je sais bien quel juge éclairé vous êtes, mais c’est le Conseil des dix qui règne à la Revue, etc. »

Dans la lettre de George que j’ai sous les yeux, le brouillon de la réponse de F. Buloz est enfermé, avec cette note de la main de F. Buloz : Réponse à la lettre de Mme Sand du 55 octobre[1]. « J’ai bien lu, mon cher George, et même relu le Coq aux cheveux d’or ; je vous en donne ma parole, puisque vous l’exigez : il en est ainsi pour tout ce que publie la Revue, dont je n’admire pas toujours les pages, tant s’en faut… » Le directeur de la Revue a vivement ressenti les reproches de George. Ne s’est-elle pas montrée bien injuste ? « Je n’ai jamais plus de bonheur que lorsque j’ai l’occasion de produire devant le public une belle chose, simple, originale, pouvant être acceptée par les esprits d’élite. Combien ma joie serait plus vive, l’œuvre venant de Maurice ! … mais ne vous dois-je pas la vérité, même sur votre fils ? Eh ! bien, depuis Raoul, je le crois dans une voie fâcheuse ; ces récits d’aventures galantes ou excentriques ne lui concilieront guère l’opinion des gens de goût… » Et F. Buloz ne prédit pas les triomphes qu’elle attend, mais plutôt les revers. « Qui vous avertira l’un et l’autre si je ne le fais ?… Je suis seulement bien malheureux de vous déplaire dans une occasion où j’espérais, où j’aurais voulu vous servir. Il faut qu’il y ait un sentiment intérieur bien profond, un devoir bien sérieux, puisque, malgré tous mes efforts, je n’ai pu prendre le parti qui vous aurait été, à l’un et à l’autre, le plus agréable… » Il se défend aussi des bruits qu’elle recueille : sous l’influence de F. Buloz, les dénouements sont tronqués à la Revue ; « l’originalité est un fruit trop rare, pour qu’on s’en prive à plaisir, mais il est commode de mettre à mon compte les fautes de l’auteur, qui sont bien et toujours de l’auteur, comme ses qualités. »

Après cela, George s’apaise-t-elle ? Je n’en sais rien. On n’apaise guère George avec des paroles de bon sens. Elle continue

  1. 1865. Ce brouillon est une copie de la main de Charles Buloz ; l’original, qui est conforme à la copie, m’a été communiqué par Mme Lauth Sand. Sans doute inédit.