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violences sans riposter ? Non. Voici sa réplique à l’attaque si violente de son auteur préféré.


« Ronjoux, 24 octobre 1865.

« Vous me traitez bien mal et bien injustement, mon cher George. Suis-je donc si coupable de ne pouvoir admettre un ouvrage dont la donnée morale ébranlerait la Revue ! Vous parlez de Balzac, dont Sainte-Beuve, Planche et bien d’autres se sont permis de critiquer les œuvres ; mais aurais-je pu accepter les Contes drolatiques ? Est-ce ma faute si Maurice, sans me faire aucune communication sur son sujet, persiste à peindre des mœurs, à tracer des tableaux impossibles dans un recueil périodique, sans compromettre son existence ? Pourrais-je mettre certains contes de Voltaire ? Fromentin, dont vous me parlez encore, n’a-t-il pas dit lui-même à Maurice, à propos de Raoul de la Châtre : « Comment avez-vous pu croire que la Revue pourrait le publier ? » Il ne s’agit pas de la valeur, du talent, du génie même de l’écrivain, il s’agit seulement de certaines données, de certaines compositions, qui s’excluent elles-mêmes par leurs audaces ou leurs tendances. À cela je ne puis rien.

« Croyez-vous que s’il ne s’agissait que d’une œuvre littéraire, je ne l’aurais pas admise, rien que pour vous ? Ai-je repoussé Callirohé ? Quand vous réfléchirez avec moins de passion, à la ligne de prudence et de modération que je dois suivre, vous reviendrez envers moi à un sentiment plus équitable, je l’espère du moins… Vous me parlez d’About. Demandez-lui si j’ai pu mettre Le cas de M. Guérin, qu’il m’avait présenté ; mais j’avais admis Tolla avec une grande joie, comme j’accepterais volontiers d’autres romans de cet écrivain. Encore une fois, il y a une condition d’existence qu’il ne faut pas perdre de vue[1]. »

Mais George, dans sa passion, perd tout de vue. Le lendemain, voici sa riposte : « Non, mon cher ami, cette fois-ci ce n’est pas le danger de scandaliser les mères de famille qui vous a retenu. Il n’y a dans le Coq qu’un ou deux passages scabreux, mais ils sont si habilement enveloppés qu’il est impossible à une jeune fille pure de les comprendre[2]. Je persiste à croire que vous n’avez pas lu vous-même. Donnez-en donc votre

  1. 24 octobre 1863. Inédite.
  2. Communiquée par Mme Lauth Sand, copie de la main de Mme {{[[Modèle:{{{1}}}|{{{1}}}]]}}.. Sans doute inédite.