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F. Buloz, prévenu par Sainte-Beuve de l’émotion causée par la chronique de Forcade, était demeuré à Ronjoux ; il n’en revint que le 29 octobre, sur le conseil de Sainte-Beuve, se soustrayant ainsi aux « obsessions qui l’attendaient à Paris. »

Le 1er octobre, Sainte-Beuve, parfaitement au courant de l’inquiétude que Forcade donnait à M. de Persigny, Sainte-Beuve, diplomate et serviable d’ailleurs, réunit, dans un « très beau déjeuner, » F. Buloz à un personnage officiel qui désirait être mis en rapport avec le directeur de la Revue, au nom du gouvernement. « Je vis bien ce qu’on voulait obtenir de moi, » dit F. Buloz à G. Sand, lorsqu’il lui narra cette aventure, et il répondit à la courtoisie par une courtoisie semblable : « Nous serions heureux de louer et d’approuver les mesures libérales du gouvernement, mais jamais la Revue ne pourrait aliéner son indépendance, il lui en coûterait trop, sans parler de la considération, etc. » Après cela, on se quitta le mieux du monde.

Ce personnage plénipotentiaire, c’est M. Immhauss, successeur de M. de la Guéronnière à la direction de la presse. « Il est avéré que c’est M. de Persigny qui est à la base de cette tentative. » Quelques jours après ce déjeuner, la Revue reçoit un « avertissement » « précédé de durs petits faits. » F. Buloz s’en émeut moins que Sainte-Beuve, qui prend personnellement la chose à cœur. N’est-il pas intervenu lui-même ? George, mise au courant par F. Buloz des tentatives qui ont précédé l’avertissement, lui offre généreusement de s’entremettre auprès du prince Jérôme-Napoléon. « Il a des idées et des sentiments très élevés et très généreux… ; si on ne l’écoute pas toujours, on l’écoute quelquefois, et puis il est très persévérant, il sait revenir à la charge, son opinion peut avoir du poids à un moment donné. » Il a aussi une qualité précieuse aux yeux de George, il est sensible à la question d’art, à l’importance littéraire de la Revue. « Si vous croyez utile d’avoir une entrevue avec lui, je vous enverrai une lettre. » Justement, il a passé quelques jours à Nohant ; on a joué devant lui le Drac, que la Revue va publier.

Le 6 décembre, F. Buloz, de Ronjoux, répond aux offres de George et l’en remercie : « Vous m’obligeriez fort d’écrire au Prince ce qui s’est passé, ce que je vous ai raconté et qui a eu l’air d’un piège. » Le 1er novembre, à la vue de cet avertissement, Sainte-Beuve avait dit : « Ce n’est pas vous qui êtes allé à