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pas des avantages tout particuliers, afin de lui rendre la vie plus aisée, alléger ses charges ?

Voyons donc :

En février 1864, voici une lettre du directeur de la Revue à George. L’auteur est en retard de 28 feuilles sur son traité. « Réduisons à l’avenir, dit F. Buloz, à 25 feuilles, au lieu de 30. Vous aurez ainsi moins à travailler… Je désire alléger votre travail, sans diminuer votre revenu, car je ne veux rien vous retenir… » et au contraire. « Avez-vous besoin d’argent ? Je me mets à votre disposition dans le cas où vous auriez besoin de quelques fonds nouveaux… Je vieillis plus que vous, et je sens que travailler comme à quarante ans, c’est dur aussi, et difficile… vous m’avez rendu mon travail moins dur depuis quelques années : vous avez fait, depuis votre raccommodement, pour la Revue de très beaux romans, et je serais trop heureux de vous en témoigner ma reconnaissance, par tous les moyens qui sont en mon pouvoir[1]. »

George, touchée alors des sentiments délicats de son vieil ami, avait répondu une lettre véritablement reconnaissante :


Paris, 22 février 1864.

« Mon cher Buloz, vous faites beaucoup pour moi. Je vous en remercie cordialement, et je sais que vous me rendez dix bonnes années de courage, durant lesquelles je vous ferai encore du bon travail. Si la qualité rend la quantité plus profitable à la Revue, je me serai acquittée de fait, et je l’espère ainsi. Quant à la dette de cœur qu’après une longue amitié, troublée mais sincèrement reprise, je contracte avec vous, sur nos vieux jours, je l’acquitterai aussi par une gratitude vraie, et un dévouement soutenu à vous, aux vôtres, et à l’œuvre de votre vie, la Revue. Comptez donc sur moi, et que celui de nous deux qui survivra à l’autre, garde sa mémoire dégagée de tout souvenir amer. Nous nous sommes heurtés par nos défauts, et rapprochés par nos qualités. Nos qualités l’emportaient apparemment. Si j’ai rendu justice aux vôtres, même dans les plus grands malentendus, me voilà bien convaincue que je me suis exagéré vos torts, et que le diable s’était mêlé de nos affaires.

  1. Inédite.