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femme que F. Buloz charge de cette recherche de l’herbier.

« Eh quoi, ma pauvre amie, écrit George à Mme F. Buloz, c’est vous qu’on charge de l’herbier ? … Rien ne presse, je disais à Buloz : Quand vous irez à Ronjoux, et quand vous y songerez, et le voilà qui vous dit d’écrire, de vous dépêcher, et de vous embêter de moi, comme si le Nivolet devait s’envoler[1] ! Heureusement, vous savez que je ne suis pas si impétueuse que votre époux, et que je ne veux pas vous causer un souci, gros comme le plus microscopique de mes brins d’herbe[2]. »


GEORGE SAND ET HUGO

George Sand, qui à cette époque atteint bel et bien la soixantaine, ne semble guère, intellectuellement parlant, changée depuis 1848, et si le portrait de Couture la représente alors sous les traits d’une dame au menton lourd, au cou épais, ni ses magnifiques yeux, ni son esprit enthousiaste n’ont vieilli. Elle est demeurée aussi généreuse qu’autrefois, lorsqu’il s’agit de louer un de ses contemporains, ou de signaler un talent nouveau. Aussi F. Buloz continue-t-il à exercer auprès d’elle la fonction de modérateur : « Informez-vous. Voyez, rendez-vous compte. Si vous saviez, vous ne penseriez pas ainsi. » On trouve continuellement dans les lettres de son ami des conseils de ce genre, concernant les littérateurs de son temps. Comme jadis, par tendresse, elle découvrait généreusement le « génie » d’un Malefille, ou d’un Charles Didier, elle se sert aujourd’hui, en parlant d’Arsène Houssaye, au gré de son directeur, — de termes trop louangeurs. Son article sur un récent livre d’Hugo aussi[3] dépassera la mesure (cependant, c’est Hugo ! « Discernons, » lui conseillera F. Buloz).

C’est dans une seconde étude sur les Charmettes que George cite un livre récent d’A. Houssaye, et F. Buloz la reprend : il estime que l’éloge accordé est exagéré, il entreprend d’éclairer l’auteur : « Vous êtes un honnête homme et un grand écrivain,

  1. Montagne située en face de Ronjoux. Le Mont Granier, dont parle George Sand plus haut, est la suite de cette chaîne.
  2. 4 mars 1860. Inédite.
  3. On ne retrouve dans l’article des Charmettes aucun des termes d’ailleurs qui avaient pu choquer Buloz.