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pour eux trois gerbes sur cinq, trois tonneaux de vin sur le même nombre. » F. Buloz a découvert encore une alliance « fort bien cimentée entre les dits hobereaux et le clergé du pays. » « Ces nobles forcent leurs gens, et pour cause, à se confesser tous les mois. Je n’avais aucune idée de cela avant de venir ici[1]. »

Inutile de dire que George s’indigne avec son ami. Et Mme F. Buloz ? Elle est pieuse, mais sa piété discrète n’est ni encombrante, ni obsédante ; elle attend son heure, — disons tout de suite, qu’en ce qui concerne F. Buloz, elle l’attendit en vain. Cependant, elle souffre de l’esprit étroit du pays qui indigne son mari, plus violent. Les prêtres ne vont-ils pas disant que Mme F. Buloz est fille de comédiens ? Comédien, Castil Blaze, rédacteur musical aux Débats ? Il ne l’est pas, mais l’eût-il été, quel déshonneur eût donc rejailli sur la douce Christine Blaze ? Quelle petitesse ! Mme F. Buloz a confié cette calomnie (car elle en est blessée) à son amie George, — celle-ci ne fait qu’en rire : « Dites-leur que ma mère a été figurante, ce qui est vrai, et leur fera plaisir. Si les dames de Chambéry font la grimace, tant mieux, elles ne m’inviteront pas à leurs confréries et cela sera tout profit pour moi[2]. » Sans doute, mais Christine Blaze ne songeait pas à opposer Mlle de Bury à l’aimable Mme Dupin.

Depuis que F. Buloz est redevenu Savoyard, il ne tient plus en place : « Vous voltigez comme un papillon, lui écrit George, je ne sais où vous êtes… Vous êtes heureux de pouvoir aller et venir comme un jeune homme, et de revoir quand vous voulez votre belle Savoie. Vous êtes un enfant gâté de ce côté-là. Ah ! si j’avais un peu de rochers et de cascades, je ne bougerais jamais. Bonsoir, mon vieux, faites-moi un plaisir, quand vous retournerez à Ronjoux : c’est de vous informer si on vend à Aix des herbiers des principales plantes du pays[3]… » Pendant son séjour en Savoie, George Sand a subi tant d’orages qu’elle n’a pu herboriser à son gré, ni grimper aux régions plus désertes où elle eût trouvé une flore rare ; ce qu’elle a rapporté lui vient de Ronjoux ; elle écrit : « La flore du Nivolet ou du Mont Granier me ferait grand plaisir[4]… » Bien entendu, c’est sa

  1. 23 octobre 1863. Collection S. de Lovenjoul, F. 113.
  2. Nohant, 4 mars 1863. Inédite.
  3. Collection S. de Lovenjoul, F. 156. Inédite.
  4. Collection S. de Lovenjoul, 25 février 1863, F. 164. Inédite.