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la leçon plus saisissante, et on pourrait conclure bourgeoisement que tout n’est pas couleur de rose dans les bons tours qu’on croit jouer aux maris, et plus sérieusement, qu’on se donne quelquefois beaucoup de mal pour tromper un homme dont l’amitié serait un bienfait et pour avoir l’amour d’une femme qui est un fléau. C’est banal, mais ça n’a pas encore été fait. Surtout dans Jacques qui est une victime égorgée par deux égoïstes, dans Valvèdre, c’est le vrai coupable qui est puni, c’est donc la contre-partie de Jacques. » George supplie F. Buloz de relire l’ensemble de son roman… « S’il y a danger de mauvaise interprétation, je n’hésiterai pas. J’ai toute confiance en votre coup d’œil… Je n’ai pas osé enlaidir mes deux amants pour les besoins de ma thèse ; s’ils déplaisaient, on fermerait le livre. Il faut, il me semble, qu’on les plaigne : ils sont bien assez condamnés d’avance[1]… »

F. Buloz, qui recommandait encore le 1er avril à son auteur de ne « laisser aucun doute sur l’adultère qu’on l’accuse toujours (à tort ou à raison) de défendre et d’excuser, » F. Buloz déclarait, le 9 avril : « Maintenant que j’ai tout lu, Valvèdre me paraît un roman très remarquable et d’une moralité irréprochable. » Cette impression, exprimée par le directeur de la Revue en 1861, sera celle des lecteurs de notre temps : Valvèdre est d’une moralité irréprochable.


GEORGE SAND EN SAVOIE

Depuis que F. Buloz avait retrouvé sa Savoie, il désirait y attirer George et lui faire admirer les montagnes ; il ne me semble pas cependant qu’elle se soit prêtée bien volontiers à ce désir. Pourquoi ? On sent chez elle des résistances, des prétextes… Son amitié pour F. Buloz à cette heure est extrême ; nul nuage à l’horizon. Alors, qu’y a-t-il ? L’excursion ne la tente-t-elle pas ?

Le Berry de George, ses « coteaux modérés, » comme dit Sainte-Beuve, ses prairies vertes coupées de ruisseaux, ses champs ordonnés, voilà ce qu’elle aime par-dessus tout ; n’est-elle pas, elle-même, le beau fruit lourd de cette contrée paisible ? La Savoie est bien différente : elle a des montagnes

  1. Inédite.