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En 1872, M. de Morlet, ne pouvant rentrer à Strasbourg, vint habiter Nancy. C’est au lycée de cette ville que Charles commença de perdre l’habitude du travail régulier, ordonné, et perdit bientôt la foi.

Quand on parcourt la correspondance et les notes de Charles de Foucauld, on est saisi par l’amertume du souvenir qu’il a gardé de ses années d’études à Nancy. Ces années-là sont le commencement de la vie coupable, la période sur laquelle, jusqu’à la fin, sa pénitence passera et repassera pour en effacer les fautes de l’esprit et de la chair. Je dois à la vérité de citer ici quelques-unes des confessions de l’homme revenu à Dieu et jugeant le passé.

Il écrira à un ami : « Si je travaillais un peu à Nancy, c’est qu’on me laissait mêler à mes études une foule de lectures qui m’ont donné le goût de l’étude, mais m’ont fait le mal que vous savez. »

Il lui écrira encore que c’est pendant sa rhétorique qu’il a perdu toute foi, « et ce n’était pas le seul mal. »

L’année de philosophie fut pire : « Si vous saviez combien toutes les objections qui m’ont tourmenté, qui écartent les jeunes gens, sont lumineusement et simplement résolues dans une bonne philosophie chrétienne ! Il y a eu, pour moi, une vraie révolution quand j’ai vu cela... Mais on jette les enfants dans le monde sans leur donner les armes indispensables pour combattre les ennemis qu’ils trouvent en eux et hors d’eux, et qui les attendent en foule à l’entrée de la jeunesse. Les philosophes chrétiens ont résolu depuis si longtemps, si clairement, tant de questions que chaque jeune homme se pose fiévreusement, sans se douter que la réponse existe, lumineuse et limpide, à deux pas de lui. »

Plus tard encore, dans une lettre à son beau-frère, il demandera instamment que ses neveux soient élevés par des maîtres chrétiens. « Je n’ai eu aucun maître mauvais, — tous au contraire, étaient très respectueux ; — même ceux-là font du mal, en ce qu’ils sont neutres, et que la jeunesse a besoin d’être instruite non par des neutres, mais par des âmes croyantes et