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par jour 50 roubles et sa nourriture en plus. Bela Kun et Perlstein mirent la haute main sur cet enseignement d’une importance capitale dans la pensée de Lénine. Successivement ils fondèrent un groupe hongrois, un groupe roumain avec Pescariu à sa tête, un groupe français avec le capitaine Sadoul, un groupe tchèque, un groupe allemand, un groupe finnois, etc.. auxquels Bala Kun remettait 60 000 roubles de subvention pour chacun. En même temps il s’occupait de la Fédération des troupes communistes étrangères, dont il était le président, et qui avait pour but de racoler des soldats.

Je ne sais s’il faut attribuer le succès de Bela Kun à ses talents d’orateur (qui étaient fort médiocres) ou seulement au désir qu’avaient de pauvres diables de s’assurer dans leur misère des conditions de vie un peu plus favorables, le certain c’est que les Magyars furent de tous les prisonniers ceux qui entrèrent le plus volontiers au service de l’armée rouge ; et l’on raconte que plusieurs fois, dans des circonstances critiques, les bolchévistes hongrois sauvèrent le régime des Soviets.

Quelques semaines après la révolution de Karolyi, Bela Kun, sous le nom de Major Sebestyen, rentrait à Budapest, avec un groupe de médecins et d’infirmiers. Il avait reçu, à son départ, une somme de trois cent mille roubles, pour commencer l’agitation communiste en Hongrie. La Croix-Rouge russe de Vienne devait lui fournir de l’argent au fur et à mesure de ses besoins. De son aveu, c’est douze millions de roubles qu’il toucha, de novembre 1918 à mars 1919, où s’établit en Hongrie la dictature du prolétariat.

n eut d’abord peu de succès. Son journal Vöros Ujsag, — r le journal rouge, — effrayait moins les gens paisibles qu’il ne les amusait par des violences du genre de celle-ci : « Il ne suffit pas de tuer les bourgeois, il faut encore les mettre en pièces. » Les réunions strictement privées où il exposait les méthodes de la révolution russe n’attiraient que quelques intellectuels, étudiants et étudiantes, Israélites pour la plupart. Les syndicats ouvriers lui étaient franchement hostiles. Et même parmi les soldats, où le régime des Conseils et des « hommes de confiance » s’était déjà substitué à l’ancienne hiérarchie, il était mal accueilli, comme le prouve l’échauffourée du 1er janvier 1919. Ce jour-là, à la tête d’une bande d’environ six cents hommes, composée de