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démocratiques et du droit qu’ont les nations de disposer librement de leur destin ! »

Toujours debout devant la cheminée, le général Franchet d’Espérey répondit :

« Thököly, Rakoczi, Kossuth, ces grands héros de la Hongrie en lutte contre la Germanie, ce sont des noms que tout Français prononce avec respect. Au pays qu’ils symbolisent, la France n’a jamais cessé d’accorder sa sympathie. Mais depuis 1867, la Hongrie s’est laissé duper par les Allemands. Elle est devenue la complice de leur rapacité. Et cette Hongrie-là, nous ne pouvons pas l’aimer. Elle subira le sort de l’Allemagne. Vous avez marché avec elle, vous devez être châtiés comme elle. Votre pays expiera et paiera. Et malheureusement, ce sont les pauvres gens qui auront le plus à souffrir des misères de l’invasion, car il restera toujours aux riches la ressource de s’enfuir... Vous disiez tout à l’heure que vous parliez au nom du peuple hongrois. Vous ne représentez que le peuple magyar. Je connais votre histoire. Vous avez opprimé des races qui n’étaient pas de votre sang. A l’heure qu’il est, vous avez contre vous les Tchèques, les Roumains, les Yougo-Slaves. Je tiens ces peuples dans ma main. Je n’ai qu’un signe à faire et vous serez détruits. Pensez-vous que la France puisse oublier de quelle manière vos journaux nous ont insultés ? ...

— Pas tous, interrompit Iaszi, les organes nationalistes seulement...

— Assez, assez, je sais ce que je dis ! continua le Général... Vous arrivez trop tard. Il y a quinze jours encore, la déclaration de votre neutralité aurait pu m’être de quelque utilité. Elle ne me sert plus de rien, maintenant que je suis à Belgrade. Je traite avec vous parce que le comte Michel Karolyi est à la tête de votre délégation. Nous avons appris, pendant la guerre, à le connaître comme un honnête homme. Dans la situation critique de la Hongrie, il est seul à pouvoir adoucir votre sort. Rangez-vous autour de lui.

Là-dessus, le général invita Karolyi et Iaszi à le suivre dans son cabinet. Il leur remit le texte de ses conditions d’armistice, et les laissant en tête-à-tête avec son chef d’État-major, son aide de camp et le colonel serbe, lui-même il s’en alla diner.

L’armistice que le Général avait rapidement établi, dès qu’il