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tête, et debout devant la cheminée, son premier mot fut pour dire : « On y voit mal ici. C’est votre faute. Vous avez coupé l’électricité partout. » Karolyi lui présenta le ministre Iaszi et le baron Hatvany, puis le socialiste Bokanyi, et quand ce fut le tour de Czermak, délégué du soviet des soldats : « Ah ! fit le Général, vous en êtes déjà là ! » Karolyi lut ensuite un long mémorandum qu’il avait préparé, et dans lequel il exprimait les sentiments de la Hongrie nouvelle, née de la Révolution d’octobre : « Pour la première fois, disait-il, notre Patrie peut manifester devant l’Entente sa véritable volonté. Cette guerre a été l’œuvre de la monarchie austro-hongroise, féodal ; et autocratique, qui, d’accord avec le militarisme prussien, a mis l’Europe en feu. Le régime déchu avait paralysé les forces de tous ceux qui chez nous désapprouvaient la guerre et luttaient pour la démocratie et la liberté nationale. La Hongrie de Louis Kossuth était complètement bâillonnée. On n’y entendait plus que la voix des grands seigneurs inféodés à l’impérialisme germanique et adversaires déclarés des nationalités. La révolution populaire qui vient d’éclater à Budapest a changé tout cela. Aujourd’hui, nous paraissons devant vous, non comme les ministres du Roi mais comme les plénipotentiaires du peuple hongrois... (Pardon ! du peuple magyar, interrompit le Général.) Nous déclarons solennellement n’accepter aucune responsabilité pour les actes de la politique intérieure ou extérieure du régime disparu. Nous ne sommes pas des féodaux, nous sommes des démocrates qui allons réaliser dès demain le suffrage universel et partager la terre entre ceux qui la cultivent. Nous sommes des pacifiques, résolument hostiles à l’ancienne alliance allemande, et partisans enthousiastes de la Société des Nations... Depuis le 1er novembre nous avons cessé d’être pour vous des ennemis et nous sommes devenus des neutres... Aidez-nous. Obtenez des Polonais et des Tchéco-Slovaques qu’ils laissent passer le charbon qui nous est indispensable... Ecartez de nous la violence, et si vous entrez en Hongrie, n’y laissez pénétrer que des Français, des Anglais, des Italiens ou des Américains, mais épargnez-nous la présence des troupes roumaines, tchèques ou serbes, et aussi de vos soldats coloniaux !... Enfin, mon Général, nous vous prions de soutenir de votre prestige moral, dans sa lourde tâche, le gouvernement populaire hongrois qui se réclame d’un profond désir de paix, de ses sentiments