Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/774

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

A la place de Karolyi, le Roi choisit le comte Hadik pour former un ministère. L’homme était effacé, sans prestige. Il s’efforça de négocier avec les différents partis du Conseil National, pour y jeter la zizanie et arriver à le dissoudre. Mais l’Assemblée à l’unanimité déclara qu’aucun parti n’entamerait de conversation particulière. Et ce ne fut qu’à grand peine que le Comte réussit à constituer un cabinet avec quelques députés obscurs et des fonctionnaires connus pour leur esprit réactionnaire.

Pendant ce temps, Budapest et le pays tout entier se ralliaient avec transport derrière le Conseil National, qui représentait à cette heure, aux yeux de la nation, l’idée de l’indépendance hongroise et le désir d’une paix immédiate. Tous les grands services de l’État, les industries, les banques, l’université, la police, lui apportaient leur adhésion. L’argent, récolté naguère pendant la tournée d’Amérique (et qui venait fort opportunément d’arriver à Budapest, par l’intermédiaire de la Suisse) était largement distribué aux ouvriers et aux soldats afin d’échauffer leur enthousiasme. Encouragé, peut-être même embarrassé par un succès si rapide, le Conseil délibéra pour décider du jour où l’on établirait un nouveau régime en Hongrie. Quelqu’un proposa le 1er novembre, mais c’était la Toussaint, et il sembla impossible de faire une révolution ce jour-là. Le lendemain, samedi, jour de paye, fut également écarté. Dimanche, jour férié, parut aussi inacceptable. On s’arrêta au lundi, 4 novembre. Mais l’événement n’attendit pas le mot d’ordre du Conseil.


II. — LA RÉVOLUTION DE KAROLYI

« Où et quand la Révolution a-t-elle commencé, je l’ignore. » C’est un mot que Michel Karolyi répète volontiers, quand on l’interroge sur un mouvement auquel son nom restera attaché comme celui de Kérenski au renversement du tsarisme.

Le 29 octobre sur les dix heures du soir, dans la rue Andrassy, plusieurs milliers d’hommes se rassemblaient pour monter sur la colline de Bude jusqu’au palais de l’archiduc Joseph, manifester contre l’Homo Regius, et réclamer Karolyi pour ministre-président. Mais le gouverneur militaire avait fait barrer les ponts. Les gendarmes royaux et la police à cheval tirèrent sur