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« Mais, mon cher George, il y aura donc toujours des malentendus entre nous ?

« Vous me dites : « Pourquoi n’avez-vous pas plus souvent besoin de ma prose ? » J’ai dit et redit à M. Aucante, et je vous l’ai écrit il y a quelque temps aussi, que je pourrais prendre plus de prose de vous que vous n’en feriez. M. Aucante le sait si bien… qu’en m’annonçant, à mon grand regret, qu’il donnait votre nouveau roman à la Presse[1], il m’a assuré que ce serait le dernier, etc. Qui ne sait d’ailleurs, qu’un roman d’analyse et de bon style, morcelé à l’infini et distribué en six ou sept pages dans un feuilleton, ne produit plus le même effet que lorsqu’on en donne quarante pages, ou une partie à peu près complète dans la Revue ?… »

Ce morcellement, qu’il estimait nuisible aux œuvres de George, n’était pas le seul reproche que le directeur faisait à la publication des périodiques : il trouvait aussi que les épreuves étaient insuffisamment corrigées dans un journal, et déjà en janvier, la même année, à propos de Narcisse[2] il écrivait à l’auteur : « Il n’y a qu’ici, si vous me permettez cette petite gloriole, qu’on sache lire des épreuves, et ce n’est pas moi qui vous laisserais des : rentrer des sentiments ou des soupirs ; malgré qu’elle soit modeste, etc., bien que cette dernière expression fût encore employée au XVIIe siècle. Si ces expressions vous échappent dans la chaleur de la composition, on vous doit au moins de les corriger aux épreuves. Rappelez-vous les remarques si judicieuses de ce pauvre Planche, et jamais l’a-t-on égalé dans la science de la langue comme goût ? Pour moi, je n’oublie pas ses bonnes traditions, et je crois bien faire de les appliquer, sans cependant pousser le rigorisme aussi loin que lui. D’abord, je ne le pourrais pas, car je n’ai ni toutes ses susceptibilités sous ce rapport, ni tout son savoir[3]… » Mais George connaissait à merveille ces objections, et si elle ne s’y arrêtait pas, et publiait encore, malgré son retour à la Revue, quelques œuvres au Siècle ou à la Presse, c’était pour en tirer de plus gros profits.

« Vous ferez ce qui vous conviendra le mieux, poursuit F. Buloz dans la première lettre citée plus haut, — celle du

  1. Constance Verrier. La Presse, 21 décembre 1859 et numéros suivants en 1860.
  2. Narcisse. La Presse, 14 décembre 1858 et numéros suivants en 1859.
  3. 1859. Inédite.